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MÉMOIRES

tiplier ses visites, se complaisait à chanter avec moi, quittait le piano, et me prenait les mains dans les siennes, comme pour mettre à l’unisson nos cœurs et nos voix. Son regard avait une expression si tendre, son chant des vibrations si douces, son attitude des façons si langoureuses, son teint des pâleurs si subites, que j’éprouvais auprès d’elle un embarras mêlé d’étonnement. J’attribuais ces troubles à une cause inconnue, à un souvenir doux ou pénible, à une ressemblance qu’elle découvrait entre moi et quelque personne qui n’était plus, une sœur, une amie… Je n’avais jamais osé provoquer une explication, que je craignais trop pénible pour elle.

La leçon terminée, elle roulait fébrilement sa musique, et sortait brusquement, comme si elle eût regretté le temps, souvent considérable, qu’elle avait passé avec moi. Parfois, elle me priait de l’accompagner à des concerts. Sa physionomie trahissait l’inquiétude. Elle avait, pour certaines personnes qui m’approchaient, comme des éclairs de colère. Chez Erhard, elle traita d’insolente, assez