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faire un voyage de six jours, madame Ricord me

proposa de venir passer ce temps a Grassé, chez une de ses amies. J’accepte, sans me douter de rien , et nous partons. A peine errivées a Grasse

on apporte 4 madame Ricord une lettre qui avait,

disait-on, été adressée a Nice. Madame Ricord me dit que cette lettreestde mon frére’, et qu'il me prie de retourner le pluspromptement possible a Paris.

Qu’on juge de mon étonnement! Mon frére,

sans me voir, sans me faire ses adieux, me ren- voie comme une réprouvée. Rien rétait plus in- croyable, et pourtant je me laissai prendre a ce piége grossier. N’écoutant pour le moment que mon indignation , je retins une place dans une voiture particuliére qui partait pour Poris, et je partis le lendemain matin.

J’ai fait depuis bien de tristes réflexions sur ce depart précipite. J’aurais di me faire montrer la lettre ot. mon frére m’ordonnait, soi-disant de partir ; j’aurais di retourner & Nice, l’attendre, et lui demander s'il était vrai qu'il me chassait pour ainsi dire de sa présence. J’aurais acquis de sa bouche la preuve du contraire; mes yeux se se~ raient ouverts sur l’abime que l’on avait creysé sous mes pas, et les siens se seraient dessillés sur le compte d’une femme dont il avait cru jusqu’alors toutes les calomnies et tous les mensonges.