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joui, et je pleurais souvent en silence de la voir se servir elle-même, après avoir eu plusieurs domestiques. L’amour de mon art me fit supporter cette position plus patiemment, malgré que je fusse habituée aussi à me faire servir, et ma pauvre mère me réprimandait même bien souvent pour cela (mais en enfant gâté) ; je n’en tenais guère compte. J’aurais été par exemple à mon piano, je sonnais ma bonne pour qu’elle me donnât mon mouchoir qui se trouvait sur le sopha. Aussi je crois que Dieu m’a envoyé tant d’épreuves pour me punir de tous ces travers, quoique cependant je n’eusse guère alors l’âge de raison et ne pouvais en apprécier le ridicule.

Mon bon papa Berton, qui avait tant le désir de me voir réussir, et étant si peiné de notre position qui devenait de plus en plus gênée, me dit un jour : « Ma chère enfant, je vais vous donner un travail à faire, travail que femme n’a point fait jusqu’à ce jour, parce qu’habituellement il ne s’en trouve pas beaucoup non plus qui aient eu le courage de faire de profondes études comme vous en avez fait. C’est le grand prix de Rome pour lequel je veux vous faire concourir ; si vous en remplissez bien toutes les conditions,