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travailler, car on ne s’occupait guère d’art, alors. Quand on a été un peu plus calme, j’ai senti en moi le besoin de composer ; mais comment avoir un bon poème ?… Je me mettais au piano, il me venait une foule d’idées, et je ne pouvais, par le manque de poésies, les mettre au jour. Je fermais mon piano avec désespoir !… Je pleurais et formais la résolution de ne plus l’ouvrir !… Il n’était pas en mon pouvoir de tenir cette résolution, et le lendemain mon piano était encore ouvert !… Je voulus essayer si le nouveau directeur de l’Opéra-Comique (M. Perrin) me serait plus favorable. Grand Dieu !… encore bien moins que les autres. — Mme Ugalde eut la bonté d’aller lui demander pour moi une audition : « Je la refuse, lui répond-il. — Et pourquoi cela ? — Parce que j’ai mes compositeurs. » Elle insista très-fort pour moi. M. Perrin s’emporta, et lui dit très-sérieusement que j’étais folle. Elle l’assura que je ne l’étais pas plus qu’elle. Alors il eut l’extrême gracieuseté de l’envoyer promener avec moi. — Non, M. Perrin, je ne suis point folle, bien s’en faut, et de plus je dirai : Qu’il faut même que j’aie une tête bien solidement organisée pour ne pas l’être devenue par toutes les cruelles déceptions que j’ai éprouvées.