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plus aux artistes des théâtres lyriques d’accorder leur concours ; et le plus petit artiste aujourd’hui ne veut plus chanter une note sans élever ses prétentions bien plus haut que n’est véritablement son talent. Donc, un pauvre compositeur qui, comme moi, ne peut donner la rétribution que l’on exige de lui, est réduit au désespoir !… Un directeur ne veut seulement point entendre parler de vous. Un éditeur est tout disposé à vous acheter vos œuvres, mais !… à la troisième représentation de l’un de vos ouvrages sur l’une de nos scènes lyriques. Il faut donc se résoudre à mourir de faim !… Gilbert est mort dans un hôpital ! Le Tasse est devenu fou de désespoir !… Elisa Mercœur, cette jeune fille qui faisait de si jolis vers, est morte de douleur et de misère !… J’en aurais bien d’autres à citer. Au lieu que si chacun voulait s’entr’aider, que celui, enfin, qui pourrait vous tendre une main secourable le fît, que de douleurs de moins il y aurait à déplorer, et que de talents enfouis à jamais auraient pu voir la lumière !… Toutes ces réflexions morales ne changeront malheureusement point le monde, qui, je le crois, devient de plus en plus égoïste.

Je restai une année, après la Révolution, sans