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l’Ukraine de l’ancienne Russie eut une grande répercussion en Galicie. Chevtchenko y devint le poète préféré ; et ses idées patriotiques y produisirent une impression profonde. Plus tard, plusieurs écrivains et savants de Kiev ont publié leurs livres en Galicie ou, même, sont allés y résider, n’ayant pas la possibilité de poursuivre leur œuvre patriotique dans l’Ukraine de l’empire tsariste. Parmi ces derniers, le professeur et grand écrivain Dragomanov a pris une grande part au réveil de la Galicie, au point de vue politique surtout. Plus tard, le professeur Grouchevsky, quittant Kiev, devint professeur à l’Université de Lemberg où il réalisa un travail considérable pour l’avancement des sciences ukrainiennes.

En résumé, la culture nationale en Galicie se développa plus vite qu’en Ukraine russe. Au moment où la langue nationale était rigoureusement interdite à Kiev et où on ne pouvait rien y publier en dehors de choses insignifiantes, l’école nationale primaire et secondaire existait déjà en Galicie. À l’Université de Lemberg, plusieurs cours étaient faits en ukrainien. La Société scientifique y publiait de nombreux travaux. Il y paraissait des journaux, des revues. Le peuple y avait ses cercles patriotiques. Les intellectuels y pouvaient préconiser l’idée nationale.

Mais, pour obtenir de tels résultats, les Ukrainiens de Galicie devaient soutenir une lutte acharnée, une lutte quotidienne, contre les Polonais qui étaient considérés par la monarchie autrichienne comme les vrais maîtres de toute la Galicie. Cette lutte remplit toutes les pages de l’histoire de ce temps.

La monarchie autrichienne s’interposa entre les deux adversaires irréconciliables : les Ukrainiens et les Polonais ; et le fait seul de cette intervention souveraine a, immédiatement après le partage de la Pologne, éveillé des sympathies pour l’Autriche et des espérances parmi la population ukrainienne. Les réformes libérales de Marie-Thérèse et de Joseph II, en faveur des paysans, ont laissé un heureux souvenir dans la mémoire du peuple ukrainien. Mais, en 1846, quand la république polonaise de Cracovie fut réunie à la monarchie autrichienne, les Polonais réclamèrent qu’on réunît la Galicie orientale et la Galicie occidentale en une province de la couronne et qu’on leur en donnât la souveraineté.