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rien ne la rend plus méprisable, et ne la déshonore plus aux yeux des gens du monde que ces railleries, ces plaintes éternelles, ces critiques amères, dont on ne se fait pas assez de scrupule, parmi ceux qui en font profession publique. Autant il étoit circonspect dans ses paroles, autant il exigeoit que les autres le fussent en sa présence. Il ne prêtoit jamais l’oreille aux discours empoisonnés de la détraction, et ce qu’il en entendoit malgré lui, le couvroit d’une salutaire confusion. En voici un trait qui m’a paru caractéristique.

« Etant un jour avec lui, écrit un de ses amis, je lui parlois d’un confrère qui venoit de faire une faute scandaleuse : il répondit en soupirant : on fait des fautes à tout âge ; et se mit à me parler d’autre chose ». Sévère envers lui-même plein d’indulgence pour les autres, il pardonnoit aisément à la légèreté des jeunes gens, et couvrait du manteau de la charité les fautes des anciens. La charité est toujours accompagnée de l’aimable cortège de toutes les vertus ; elles se trouvoient éminemment réunies dans M. Renaud. Il fut sobre, tempérant, pacifique sans faiblesse, ami de la vérité sans affectation, pieux sans bigoterie, zélé sans excès, humble sans bassesse, austère sans dureté, actif, vigilant, laborieux, ménageant le temps pour ses devoirs, et pratiquant ses devoirs pour l’éternité.

S’il étoit à la promenade avec ses confrères et ses disciples, il ne prenoit aucune part à leurs amusemens : seul, retiré dans un coin, il méditoit à son aise ; il couchoit par écrit les pensées qui lui venoient en foule, se réservant de les mettre en ordre, dans des momens de loisir, et d’élaguer celles dont il ne pourroit faire usage.

C’étoit là sa méthode ordinaire quand il faisoit ses lectures. Sa plume et son papier l’accompagnoient toujours ; il notoit les passages les plus remarquables ; il recueilloit les observations qu’ils lui faisoient naitre, s’enrichissant par ce moyen, et de son propre bien et de celui des autres : méthode recommandée par de très-grands hommes, et notamment par dom Mabillon, dans son Traité des Études Monastiques, comme seule propre à former de vrais savans.