Page:Mémoire historique sur la communauté St.-Antoine, etc., 1850.pdf/432

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pé bien des chagrins et calmé bien des peines. La force que donne la Religion est un rempart contre tous les évènemens de la vie, Les plus violentes persécutions ne sauroient abattre un cœur plein de l’esprit de Dieu ; souvent même, le persécuté force l’estime et l’admiration des persécuteurs.

Cette vérité ne parut jamais mieux qu’en 1793, époque fatale dont le souvenir déchirant arrache des larmes à la sensibilité. L’abbé Bernard dénonça jusqu’à trois fois, dans le cours de Brumaire, à la section de la rue de Montreuil, les instituteurs du faubourg St. Antoine, comme contrevenant aux décrets de la convention, en vivant en communauté. D’après la réponse de M. Renaud, la section se reposant sur les autorités constituées, de l’exécution des décrets, et ne voyant, dans cette réunion d’amis, que les avantages qu’ils lui procuroient sans être à charge à personne, déclara : qu’ils avoient toujours mérité sa confiance ; les invita à lui continuer leurs services et les exempta de monter la garde, à laquelle ils avoient été assujettis jusques-là. Bernard, qui, après avoir donné la bénédiction nuptiale à l’abbé Aubert, s’étoit marié lui-même, dénonça cet instituteur et ses confrères, comme signataires d’une pétition incivique contre le mariage des prêtres. L’instituteur répondit : que laissant les citoyens Aubert et Bernard pour ce qu’ils étoient (ce sont ses propres termes) il avoit déclaré par écrit, comme il le déclaroit encore de vive voix, en présence de toute l’assemblée, que ces deux prêtres mariés avaient entièrement perdu sa confiance, et ne la recouvreroient jamais. Ce n’est point ; ajouta-t-il, comme on le prétend ; à l’instigation du curé de Ste Marguerite, qui ne m’en a pas dit un seul mot, que je l’ai fait ; mais de mon propre mouvement ; comme je le ferois encore aujourd’hui, si la chose évoit à faire ; la dénonciation fut méprisée par le comité, et M. Renaud dut son salut au respect que lui avoient acquis ses vertus. Bientôt après, la Providence délivra les Français du tyran Roberspierre, le jour même, où Bernard avoit envoyé ses agens prendre le nom de M. Renaud, pour le classer dans la liste de proscription.

M. Renaud étoit redevable de la solidité de sa vertu, à son