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Acte I, Scène VIII.

joint à des souvenirs d’enfance !… une petite tête créole.

LE BARON, enfonçant son chapeau.

Ah ! mais ce maudit moricaud m’en veut donc de toutes les façons ?… Il faut que ça finisse… une bonne affaire…

M. DE BOULOGNE, vivement.

Je vous le défends ! son adresse connue…

LE BARON.

Bah ! réputation d’académie !… Je sais bien, on dit qu’il boutonne tout le monde… qu’au pistolet, il tue les hirondelles au vol… je suis sûr qu’elles tombent de peur ! Il faut voir cela sur le terrain… il n’y a jamais mis le pied… Tandis que moi, j’y ai été trois fois, et j’ai été blessé… trois fois !

M. DE BOULOGNE.

C’est rassurant.

LE BARON.

Un hasard… ça ne prouve rien ; d’ailleurs, on ne parle que de lui… C’est ennuyeux ! un petit coup d’épée me ferait grand bien.

M. DE BOULOGNE.

Encore une fois, je vous le défends !… (Avec tendresse et brusquerie.) Un fils unique… un mauvais sujet que j’aime comme un fou, corbleu !… Si vous me donniez un pareil chagrin !… Non, j’ai un autre moyen d’éloigner le chevalier, nous mettre à l’abri…

LE BARON.

Un autre moyen ?

M. DE BOULOGNE, à mi-voix.

Oui, oui, une intrigue galante avec la femme d’un fermier-général. Un des gros bonnets de l’ordre.

LE BARON.

Il ne respecte rien.

M. DE BOULOGNE.

Cela a mis toutes les têtes à l’envers.

LE BARON.

C’est bien fait pour cela.

M. DE BOULOGNE.

J’ai sollicité, par un pressentiment secret… Et j’attends d’un moment à l’autre.



Scène VI.

LES MÊMES, JOSEPH, une lettre cachetée à la main.
JOSEPH, à M. de Boulogne.

Monsieur le contrôleur-général…

M. DE BOULOGNE.

Que veux-tu ?

JOSEPH.

Un homme qui vient de descendre au Soleil d’Or, m’a remis ce paquet pour vous… C’est pressé.

M. DE BOULOGNE, le décachetant.

Parbleu ! il serait charmant… (Regardant un papier.) Justement !… (Au Baron.) Nous sommes servis à souhait !…

LE BARON.

Qu’est-ce donc ?

M. DE BOULOGNE.

Vous le saurez. (À part.) Notre chevalier couchera ce soir à la Bastille !… une bonne lettre de cachet… ce cher duc de la Vrillière en a toujours ses poches pleines pour ses amis !… (À Joseph.) Il m’attend au Soleil-d’Or ?

JOSEPH.

Oui, monsieur.

M. DE BOULOGNE, à part.

C’est l’exempt ! (Au baron.) Je vous quitte.

LE BARON.

Mais, expliquez-moi…

M. DE BOULOGNE.

Je n’ai pas le temps. (À part.) Il faut que je lui donne ses instructions. (Au baron.) Accompagnez la comtesse ! (À part.) Cette voiture qui me servait autrefois pour mes bonnes fortunes ! parfaite !… et si on peut le surprendre à la chasse… (Haut.) Adieu, adieu, baron… tâchez de plaire de séduire… Je vous réponds que le chevalier vous en laissera le temps… Suis-moi, Joseph.

(Ils sortent par la droite.)


Scène VII.

LE BARON, seul.

Il m’en laissera le temps ! ce n’est pas sûr ! et mon père a beau dire… Avec lui, il n’y a qu’une manière d’en finir… Un bon duel, morbleu ! (Se promenant avec agitation.) Ah ! mon chevalier de bois d’ébène, mon Othello poudré ! tu me souffles la Guimard, et tu veux m’enlever ma femme !… Je donnerais mille louis… c’est-à-dire, non, il ne m’en reste que vingt-cinq… Mais, c’est égal… je promettrais mille louis pour le rencontrer !… Je n’en aurai pas besoin, le voici lui-même avec son cortége ordinaire !… Voyons un peu comment je vais lui chercher querelle ?



Scène VIII.

LE BARON, SAINT-GEORGES, LA MORLIÈRE, DE LANGEAC, CHASSEURS et PIQUEURS.
(Le chevalier est en habit de chasse à l’anglaise. Les autres chasseurs ont des costumes moins riches, mais dans le même genre.)
CHŒUR.
Air : Vive la jeunesse (lac des fées).

Vive, vive la folie,
Vivent, vivent les amours ;
Eux seuls dans la vie,
Donnent de beaux jours.

SAINT-GEORGES, à part, et regardant la voiture qui est au fond.

Cette voiture ! je ne m’étais pas trompé !… Ah ! si je pouvais la revoir !…

LA MORLIÈRE.

Le diable emporte ces maudits chiens, qui nous ramènent au Raincy !

SAINT-GEORGES.

Que veux-tu ? Ils ont été dépistés… et les chevaux sont rendus !

LA MORLIÈRE.

C’est la faute de la Ramée !