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90 LITTKRATURH TKANÇAISE AU MOYEN AGE

sans fondement historique, rappelant les contes antiques sur les mystères et les fatalités de la destinée humaine, qui a fourni à un anonvme de la première moitié du xii^ siècle le sujet de la Fie de saint Grégoire, l'une des œuvres les plus attachantes, dans sa forme sobrement élégante, que nous ait laissées le moyen âge : la langue et le style permettent de l'at- tribuer avec vraisemblance, sinon avec certitude, à la Nor- mandie '. On peut encore mentionner ici le poème où maître André de Coutances a traduit, avec plus de liberté qu'on n'en prenait d'ordinaire, pour plaire à la dame de Tribehou (non loin de Saint-Lô), le célèbre Evangile de Nicodêiin\ bien qu'il soit sans doute un peu postérieur à notre époque, parce que l'auteur, comme nous le verrons, n'était plus jeune quand il l'écrivit, et s'était montré, dans une œuvre antérieure, un Nor- mand de la vieille roche dans toute la force du terme '.

A cheval, comme André, sur les deux périodes est maître Guillaume le Clerc, connu par ses poèmes édifiants, l'adap- tation du livre de Tobie, la vie de sainte Madeleine, le Besniil de Dieu, développement d'une parabole évangélique où on remarque contre les fauteurs de la croisade albigeoise une élo- quente invective qui fait le plus grand honneur au courage et à la largeur d'esprit de l'auteur et de ses compatriotes > ; peut- être faut-il aussi lui attribuer le Roman des romans, poème remar- quable en quatrains d'alexandrins monorimes, qui prétendait.

��1. Je compte donner prochainement, d'après les six manuscrits connus, une édition de ce poème ; l'édition de Luzarche (Tours, 1857) est insuffi- sante et d'ailleurs à peu prés introuvable. Ce qui rend plus difficile ici que pour d'autres œuvres la solution de la question de provenance, c'est que le poème existe en deux rédactions, assez distinctes avec des parties identiques, et dont le rapport exact n'a pas encore été déterminé. [G. Paris avait renoncé à ce travail et avait bien voulu m'encourager à le reprendre ; mon travail est assez avancé pour que j'espère ne pas en faire trop attendre la publication. — M. R.]

2. Trois versions riiiiées de rèvangiie de Nicodèvie. . . publiées par Gaston Paris et Alphonse Bos (Paris, Didot, 1885, publication de la Soc. des auc. textes fraiiçais)[cï. ci-dessous, p. 98 sqq.].

5. Voy. sur Guillaume le Clerc ma Littérature française au moyen dge, et les notes des divers paragraphes où il est mentionné [et sur le Besant de Dieu, Revue critique, IV, 2, pp. J4-60].

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