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8o LITTÉRATURE FRANÇAISE AU MOYEN AGE

seulement par quelques traces fugitives, une part aussi grande qu'aux Angevins, aux Manceaux ou même aux Bretons tran- cisés. Mais, en fait, aucun indice positif ne nous l'apprend, et il n'y a pas de raison de croire que cette part ait été considé- rable. L'esprit normand a pu un moment, comme Wace, prêter l'oreille aux contes prestigieux venus de Bretagne ; mais il n'a pas tardé à s'apercevoir que tout cela n'était que « folie », et ayant découvert que la vertu merveilleuse de la fontaine de Brocéliande était une pure fable, il a laissé d'autres s'y abreuver et s'y enivrer.

Ce que je viens de dire de l'absence de romans bretons dans la littérature normande ne serait plus vrai s'il s'agissait de la littérature anglo-normande. Les vainqueurs de l'Angleterre, de même qu'ils se sont faits les propagateurs de plus d'une tradi- tion saxonne, ont été, je l'ai dit, les interprètes empressés des traditions celtiques de l'île, et ont certainement contribué à les transmettre aux Français. Il serait sans doute possible de trouver les raisons de cette attitude différente, mais ce serait long, et je m'interdis dans cet exposé, qui menace déjà d'être terrible- ment étendu, tout ce qui appartient à la littérature de l'Angle- terre francisée.

J'ai encore, — et vraiment j'en ai honte, et il faut, pour continuer à saccager, comme je le fiiis, le jardin poétique que des amis zélés se sont plu à enrichir pour vous, que je compte de votre part sur un amour bien profond et bien désintéressé de la vérité, — j'ai encore à dire un mot de ce qu'on appelle les « romans d'aventure », c'est-à-dire ces récits qui, comme les romans bretons, nous présentent à la fois des aventures de guerre et d'amour, le portrait idéal de quelques chevaliers et dames, et le tableau de la société chevaleresque. C'est ce genre, semble-t-il, que la fée « Romantik » aurait dû faire éclore avec le plus d'abondance sur la terre qu'elle avait bénie. Eh bien ! de la trentaine de romans de ce genre dont j'ai connaissance, il n'en est qu'un que l'on puisse attribuer à un Normand, c'est VAtbis et Porphirias ' d'Alexandre de Bernai, et encore

��I. Sur Athis et Porphirias, vov. E. Langlois, Notices des manuscrits fran- çais et provençaux de Rome (Paris, 1889), p. 217, et Romania, t. XII, p. 634.

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