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78 LITTÉRATURE FRANÇAISE AU MOYEN AGE

tion » ? La question est complexe et difficile à résoudre. Elle se lie à celle, — qu'on débat avec passion depuis une quinzaine d'années en France, en Angleterre et en Allemagne, — desavoir ce qu'il faut entendre au juste par la « Bretagne » dont venait cette matière. Est-ce la Bretagne continentale, ou ce qui restait de l'ancienne Bretagne insulaire, le pays de Galles ' ? Il est probable que c'est l'une et l'autre, et que les traditions sur Arthur, ses héros et leurs merveilleuses aventures, sont venues aussi bien des Bretons de France que des Bretons d'Angleterre. Sont-ce les Normands qui leur ont servi d'intermédiaires ? Pour les Bretons de France, c'est fort possible, mais ce n'est pas sûr : les provinces situées plus au Sud, voisines également de la Bretagne celtique, et avant tout la Bretagne française, ont pu jouer ce rôle aussi bien que la Normandie. A la vérité, nous voyons Wace fort au courant des contes bretons : il leur em- prunte, en traduisant le fabuleux ouvrage de Gaufrei de Mon- mouth, la « Table Ronde «, dont celui-ci ne faisait pas men- tion, et la croyance à l'immortalité et au retour d'Arthur, que Gaufrei s'était borné à indiquer timidement; il poussa même l'intérêt pour ces récits jusqu'à aller faire dans la forêt de Bro- céliande, (( dont les Bretons font tant de contes », un pèleri- nage poétique, en quête de merveilles qu'il ne rencontra pas ; il en revint désenchanté, et son rationalisme normand lui fit dès lors apprécier sévèrement les fables des Bretons :

Merveilles quis, mais nés trovai : Fols m'en revinc, fols i alai ; Fols i alai, fols m'en revinc : Folie quis, por fol me tinc - .

Mais de ce que les Normands curieux connaissaient les contes bretons, il ne s'ensuit pas que ce soient les Normands qui les ont mis en vers français. Les lais de Bretagne, morceaux de

��1. Le plus récent travail publié sur cette question, où on trouvera des ren- vois aux études antérieures, est celui de M. Ferdinand Lot dans la Roiiiai/id, t. XXVin, p. 1-48.

2. Geste des Normands, éd. Andresen (voy. ci-dessous, p. 86, n.i). t. II, p. 284.

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