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HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANÇAISE 3I

rasins, plusieurs des héros célèbres de la geste, M. Suchier résume en deux mots le système, aussi ingénieux que savant, qu'il a exposé en détail dans l'introduction de son édition des Narbonnais : le poème latin racontait un siège de Narbonne, et précisément celui qui se trouve dans les Narbonnais ; ce siège était celui où la ville fut enlevée aux Arabes par Charles Martel, auquel l'épopée avait, naturellement, substitué Charlemagne. C'est très séduisant, mais non assuré, les deux traits sur les- quels M. Suchier fonde son rapprochement, — dans le fragment et dans la chanson les combattants se trouvent avoir de l'eau jusqu'aux genoux, et ils passent ainsi la nuit, — ne se laissant retrouver dans le latin que par une interprétation forcée '. Il foudrait trouver auprès de quelque ville conquise jadis sur les musulmans les Caiiipi Strigilis dont parle le poète latin. — Très digne d'attention est la remarque faite à propos de plu- sieurs chansons de ce cycle (p. 36) : « Elles reposent probable- ment, pour le fond, sur des traditions locales du Midi de la France ^. Le peuple voyait au moyen âge et voit encore aujour- d'hui dans les anciens monuments qui y subsistent l'ouvrage des Sarrasins, et c'est pour cela qu'on crut qu'au temps de Guillaume Nîmes et Orange étaient au pouvoir des Sarrasins >. » — Je ne sais sur quoi se fonde M. Suchier pour placer vers 1195 la composition de Faucon de Candie; je la crois plus

��1. Rien ne prouve que le sang qui inonde les guerriers dans le Fragment soit mêlé d'eau et qu'il y ait une inondation (ce sang est caillé) : on trouve dans la description de plus d'une prise de ville, au moyen âge, ce trait sté- réotypé que les vainqueurs ont du sang jusqu'au-dessus du pied ou plus haut M. Suchier n'arrive pas non plus à persuader que Vatra nox du Fragment soit la vraie nuit et non l'obscurité produite par la fumée.

2. C'est l'opinion qu'a exprimée plus d'une fois M. Paul Meyer.

3. M. Suchier écrit (p. 56), à propos du Siège de Barbastre : « Il est douteux que cette chanson se rapporte à la conquête de la ville espagnole de Barbastro par les Normands en 1064; d'après Dozy il s'agit de l'ancien Bobastro. » Il semblerait d'après cela que Dozy ait parlé d'une ville autre que Barbastro, tandis que c'est lui qui — à tort suivant moi — a vu dans la chanson un souvenir delà prise de Barbastro en 1064; j'ignore ce que M. Suchier entend par « l'ancien Bobastro » : Dozy n'emploie pas cette forme, et je ne connais pour le nom de la ville, à côté de Barbastro, que la forme Balbastro.

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