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CLIGÈS 323

son anneau '. Mais le lien entre les deux histoires est très peu assuré : il est vrai que dans certaines hylines russes le rôle du ravis- seur a été dévolu à Kitovras, lequel n'est autre qu'Asmodée, et que dans la deuxième partie du Saloinon et Morolf B l'anneau de Salomon joue un certain rôle (d'ailleurs très effacé). Mais le nom de Kitovras donné au ravisseur est dû à une confusion propre à une des versions slaves, et l'anneau de Salomon était si célèbre qu'il est naturel qu'on l'ait introduit dans une histoire qui se rapportait à lui -. Je ne vois, pour ma part, aucun rapport entre les deux contes ^ dont l'un, — celui de la dépossession de Salomon par un sosie, — est sans doute d'origine indienne *, tandis que pour l'autre on n'a pas trouvé^ que je sache, de pen- dant dans l'Inde ">.

Tout ce qu'on peut dire, c'est que l'histoire de la feinte

��1. Voir sur cette légende R. Kôhler, Kleiiiere Scbrifteii, t. III, p. 585 (avec les compléments de M. Boite). Elle a passé chez les Slaves et en Occident sous des formes très diverses et a fourni le sujet d'un beau poème de Long- fellow. Elle paraît avoir pénétré, d'une façon indépendante, dans l'épopée française (voir G. Paris, La légende de Pépin le Bref [ci-dessus, pp. 198-9]).

2. Les poèmes allemands ont beau faire de leur Salomon un roi chrétien, ils n'y reconnaissent pas moins le fameux roi juif (cf. ci-dessus, p. 317, n. 3).

3. Dans certaines versions de notre conte, on voit Salomon errer par le monde (à la recherche de sa femme), vêtu en mendiant (plus ordinairement en pèlerin), ce qu'il f;iit aussi dans le conte de Salomon et Asmodée ; mais dans notre conte ce n'est qu'un déguisement, tandis que dans l'autre le roi d'Israël est réellement réduit à la misère.

4. Je crois, en effet, avec Benfey et MM. Vesselofsky et Varnhagen, et malgré l'opinion contraire de R. Kôhler et de M. Israël Lévi, que la légende talmudique est une transformation du conte indieu où un traître fait échan- ger leurs corps à son âme et à celle d'un roi pour s'emparer du trône et de la femme de celui-ci. Ce conte, né dans un pays où on croyait à la possibilité de ces sortes d'échanges, a été modifié en passant dans un pays où la croj-ance à la métempsycose était inconnue ; ce pays doit avoir été (d'abord) la Perse, comme l'indique le nom d'Asmodée (Achniaî Devà).

5. J'entends la première partie, l'histoire delà fausse morte; car la seconde (la recherche de la femme par le mari), comme je l'ai indiqué plus haut, a des relations avec des récits répandus dans l'Inde.

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