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Que l’espérance y estoit vaine,
Plonc boullant lui mit en la main :
La morte ne le senty grain ;
Sy vescut elle aprez loncs jours
Et fist beaucoup de menu fain ’,
Il n’est mal que n’endure Amours.

Tant souffrit elle que pour morte
L’on la juge, et que le bon sire
En son enterrement dœul porte.
Offrande et chandelle de cire.
Ho ! la farse ! esse bien pour rire ?
Celé nuit propre l’emmena,
A gens de bien l’ay ouy dire,
Celluy pour lequel foursena ’.

Dans toutes ces variantes, il s’agit de simulation et non de breuvage, et telle était certainement la forme primitive du récit; car il a pour objet de montrer l’étonnante force de volonté que peut déployer une femme pour contenter sa passion, et ce trait disparaît si la prétendue morte est sous l’empire d’un narcotique. Chrétien, étant donnée la transformation qu’il a fait subir à l’esprit du conte, a pu sans grand inconvénient ajouter le breuvage stupéfiant ’, mais dans les autres versions où ce motif a été introduit il gâte l’histoire ; il l’a cependant été, — et cela

��1. Je n’ai pas rencontré ailleurs cette expression faire du meini fain, qui paraît ici simplement signifier « vivre » .

2. J’ai déjà imprimé ce passage, d’après le manuscrit B. N. fr. 12476, dans \a Roiiiania (t. XVI, p. 403); M. Piaget, qui prépare depuis longtemps une édition du Champion des Dames, a bien voulu m’informer que les autres manuscrits n’ofîrent pas de variantes notables. — Le nom de Ray mon donné au mari, - — qui n’est plus un roi, mais est devenu un simple comte, — ferait croire que la version qu’a résumée Martin Le Franc était provençale, ou du moins mettait la scène à la cour d’un seigneur du Midi ; mais je n’ai pas trouvé plus de trace de cette version au midi de la France qu’au nord.-

3. On a vu, toutefois, que la confusion des deux motifs, la simulation et le breuvage, a rendu chez lui gauche et contradictoire la scène des épreuves (ci-dessus, p. 302).