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C LIGES 309

De la fu li contes estraiz

Dont cest romanz fist Crestiiens.

Li livres est moût anciiens

Qui tesmoigne l'estoire a voire :

Por ce fait ele miauz a croire.

Suit l'éloge des livres, par lesquels seuls nous avons la con- naissance du passé (voir ci-dessus, p. 269). On ne voit aucune raison ëde refuser créance à cette assertion du poète. Ce qu'il avait lu dans le livre de Beauvais, — le conte dont il a fait son roman:^, — c'était sans doute seulement l'histoire de la feinte morte. On peut croire qu'un clerc attaché à l'église de Saint- Pierre, qui avait fait le pèlerinage d'Orient, l'avait entendue à Constantinople (ou, sans être allé en Orient, l'avait recueilhe de la bouche d'un pèlerin), et l'avait résumée en latin '. Les « Francs », si nombreux, qui visitaient Constantinople étaient frappés de certains traits de mœurs, comme l'eunuchisme et la claustration des femmes, et ils les expliquaient ou on les leur expliquait par des contes comme le nôtre, courants dans la tra- dition orale ou littéraire des Grecs - . Il est donc très probable que la source de Chrétien mettait déjà la scène à Constanti- nople, et qu'il s'y agissait d'un empereur et de sa femme \ Les

��1. Comparez le résumé latin, dû à un clerc normand du xsn^ siècle, de l'histoire, recueillie à Aix-la-Chapelle, de l'amour de Charlemagne pour une femme morte {Journal des Savants, 1896, p. 729 [art. de G. Paris sur A. Pauls, Der Ring der Fastrada ; cf. pp. 17 et 21 du tirage à part : L'Anneaic de la morte]). — Il y a sans doute un indice de l'intervention du clerc de Saint-Pierre dans le nom de Saint-Pierre donné à l'église dont le cimetière reçoit le corps de Fénice : il y avait à Constantinople un c oratoire » de Saint- Pierre et une église dédiés aux saints Pierre et Paul ; mais il n'y avait pas d'église de Saint-Pierre située hors des murs comme celle de notre roman.

2. Le conte, également byzantin, dont Gautier d'Arras a tiré la seconde partie de son Évade (pour la première, bvzantine aussi d'origine, voir ci-des- sous, p. 317, n. 2) est une autre illustration de ces mœurs orientales. Au reste, ces deux histoires montrent plutôt la vanité des précautions prises contre les femmes : ni la clôture, ni les eunuques n'auraient, empêché la fuite de Fénice, et si Athanaïs, dans E racle, est infidèle à son mari, c'est précisé- ment, dit le roman, parce qu'il l'a enfermée.

3. Jene comprends pasleraisonnementquefait M. Foerster (p.xviii). Après

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