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306 LE ROMAN

épée, s'élance vers Bertran ; celui-ci s'enfuit, grimpe sur le mur, et il l'avait presque passé quand Cligès l'atteint, mais ne peut que lui couper une jambe au-dessous du genou. Cela n'empêche pas Bertran, aidé par ses gens qui l'attendaient au dehors, de monter à cheval et de se présenter à Alis, auquel il raconte son aventure. L'empereur, suivi de tout le peuple, se rend à la tour; mais on n'y trouve plus personne : Cligès et Fénice s'étaient enfuis avec Thessala. Alis s'en prend à Jean, qui, dans un dis- cours énergique, justifie sa conduite : il était le serf de Cligès et devait lui obéir ; d'ailleurs Alis, en épousant Fénice, a man- qué à sa parole et voulu frustrer Cligès de l'empire, qu'il aura néanmoins; quanta Jean, Alis peut le faire périr, mais il sera vengé. Et pour exaspérer davantage l'empereur, il lui raconte l'histoire du breuvage qu'on lui a fait prendre, et lui apprend qu'il n'a jamais possédé Fénice qu'en songe. Alis, furieux, fait mettre Jean en prison, et envoie de tous côtés à la recherche des fugitifs. Mais Thessala les protégeait par son art, et ils arrivent bientôt en Bretagne. Là, Cligès se plaint à Arthur du tort que lui a fait son oncle, et Arthur convoque tous ses barons pour faire la guerre à Alis. On allait s'embarquer quand arrivent de Grèce des messagers, — Jean en tête, — qui annoncent qu'Alis est devenu fou de rage quand il a vu qu'on ne retrou- vait pas les amants, qu'il n'a plus mangé ni bu, et qu'il est mort forsené. On attend Cligès pour lui remettre l'empire. — Cligès revient à Constantinople, épouse Fénice et est couronné avec elle. Ils s'aimèrent toujours, et il ne la soupçonna jamais, ne la tint pas enfermée, comme ses successeurs ont fait pour leurs femmes. « Car depuis ce temps il n'y a pas eu d'empereur (en Grèce) qui n'ait craint que sa femme le trompât comme Fénice avait trompé Alis, d'abord par le breuvage qu'elle lui fit boire, puis par l'autre ruse. C'est pour cela qu'à Constantinople l'impératrice, si noble qu'elle soit, est gardée comme en prison .. et n'a autour d'elle aucun mâle, s'il n'a été châtré dès son enfance. »

Tel est le roman de Cligès, que M, Fôrster qualifie de mise en œuvre « géniale » ' du conte de la « fausse morte » et que je

��I. C'est, dit-il dans la grande édition (p. xviii), « die wahrhaft kûnstle-

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