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ressant d'en faire l'histoire ; mais on conçoit qu'une telle digression m'entraînerait beaucoup trop loin. Je veux me borner ici à examiner les monologues de cette première partie de Cligès, qui sont les plus travaillés et les plus importants qu'ait composés Chrétien, et montrer, pour tel ou tel passage, qu'il a imité de près ses prédécesseurs. Il n'y a guère de monologues dans Thèhes, le premier en date des romans antiques, et celui qui a influencé tous les autres ' ; en revanche, nous en trou- vons de très longs dans Narcissus^, dans Troie.', et surtout dans Éncas, et il est incontestable que Qirétien a eu sous les yeux, pour écrire les siens, au moins ceux de ce dernier roman K Mais il a ajouté à ses modèles des traits qui lui appartiennent en propre, et dont quelques-uns, s'ils ne sont rien moins qu'heureux, sont en revanche très caractéristiques.

Soredamours, comme nous l'avons vu, a deux monologues. Le premier, assez court (v. 475-523), n'offre pas de point de comparaison bien marqué > ; mais le second (v. 897-1046) pré- sente avec le premier monologue de Lavine dans Encas une ressemblance que M. Fôrster (note du v. 667) a signalée pour

��1. Le monologue de Jocaste au moment d'exposer son enfant, celui d'Ip- sipile sur la mort de l'enfant qu'elle avait en garde, sont très courts et n'ont, par leur sujet, aucun rapport avec les nôtres.

2. Comme Benoit de Sainte-More (Troie, v. 17659 et suiv. ) donne tout un résumé de Narcissus, il faut regarder ce petit poème comme antérieur à Troie. — Je ne cite pas les monologues de Piranius : ils sont non seulement d'une versification bizarre, mais d'un style si obscur qu'on a souvent peine à y comprendre quelque chose.

3. Ce sont surtout les trois monologues d'Achillès (v. 17606, 18004, 20771) qui doivent être ici considérés. Celui de Briséida (v. 20227) est d'un genre un peu différent.

4. Monologues de Lavine et d'Enéas.

5. C'est un trait qui se trouve déjà dans Narcissus (où il est développé avec une minutie puérile), dans Troie (épisode de Médée), dans Eiiéas (à propos de Dido et de Lavine), et qui revient souvent ailleurs, que la des- cription de l'agitation d'un amoureux, et surtout d'une amoureuse qui ne peut trouver le sommeil, s'étend, se déjette, souffle, bâille, etc., sur sa couche. Le germe paraît s'en trouver dans divers passages d'Ovide (Byblis, Myrrha), et aussi de Virgile (Didon),

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