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l’idée de prendre, ainsi que ses compagnons, en place de leurs écus qu’ils jettent, les écus d’ennemis morts, et ils entrent ainsi dans le château. Arrivés au milieu des assiégés, ils tombent sur eux et les mettent en désordre. Engrès s’enfuit dans la tour ; Alexandre et les siens l’y suivent, ferment la porte de l’enceinte intérieure où se trouve la tour, et finalement Alexandre prend Engrès et ceux qui l’accompagnaient ; du haut des créneaux, il dit aux hommes d’Engrès, qui l’assiègent, en leur montrant leur seigneur enchaîné, qu’ils n’ont qu’un moyen de sauver leur vie, c’est d’aller se jeter aux pieds d’Arthur. Ils le font, et apprennent ainsi au roi et aux siens la victoire d’Alexandre, que toute l’armée pleurait comme mort ainsi que ses compagnons, à cause de leurs écus trouvés sur le champ de bataille; Soredamours en avait éprouvé une douleur d’autant plus poignante qu’elle était obligée de la cacher. Bientôt Alexandre arrive avec ses prisonniers, et il reçoit les félicitations d’Arthur. Tout ce récit de guerre est très bien mené, malgré quelques obscurités ’. — Arthur offre à Alexandre telle récompense qu’il choisira : Alexandre demanderait bien Soredamours, mais il ne veut la devoir qu’à elle-même. Il se rend à la tente de la reine, qui appelle aussi Soredamours auprès d’elle et, n’ayant plus de doutes sur leur amour mutuel, les engage à ne pas se le cacher plus longtemps et à lui donner pour conclusion le mariage, qui le rendra durable à jamais. Alexandre, puis, en tremblant, Soredamours, avouent que la reine a deviné leurs sentiments. La reine les donne l’un à l’autre, Gauvain et le roi confirment ce don, et le jour même, à Windsor, ils sont fiancés^. Alexandre est fait par Arthur roi du « meilleur royaume de Galles » ; il épouse son amie ’ ; bientôt elle se trouve grosse, et, au terme

1 . On comprend avec peine les mouvements des combattants dans le château. — Il y a dans ce morceau plusieurs réminiscences d’Ovide et de Virgile.

2. Ici une de ces ennuyeuses formules dont Chrétien est trop coutumier et qu’il a léguées à ses imitateurs : Por tant qu’as pliisors despleust, Ne vueil parole user ne perdre, Qu’a miaus dire me vueil aerdre.

3. On néglige de nous dire que le mariage eut lieu, si bien que Soredamours semble être grosse cinq mois après les fiançailles. Remarquez la crudité des termes que le poète emploie pour le dire (v. 2375-2376).