Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/271

Cette page n’a pas encore été corrigée

CLIGÉS 267

dont il a été au xir^ siècle l'interprète par excellence. A quelles sources l'a-t-il puisée ? Sous quelle forme existait-elle en France quand il a commencé à y prendre ses sujets ? Ce sont des questions très difficiles et très discutées, que je ne veux pas aborder ici.

Chrétien n'est pas le créateur de la poésie narrative en octo- syllabes accouplés; il a eu, pour cette forme poétique, des pré- décesseurs qu'il a connus et parfois imités : les auteurs de Thèbes, d'Enéas, de Troie, <XApoloine, ceux des petits poèmes sur Nar- cissns et Piraiiiiis, Wace^ La Chèvre ou l'auteur quel qu'il soit d'un Tristan, d'autres encore sans doute'; il a eu des contem- porains qui l'ont presque égalé en renommée et dont plusieurs pourraient lui disputer le premier rang : les auteurs de Partc- fiopeu et de Floire et Blanchefleiir, Gautier d' Arras, Huon de Rote- lande, Guiot de Provins et d'autres-. Il a dû son grand succès aux qualités littéraires que j'ai appréciées plus haut, et surtout à l'attrait qu'exerçaient alors sur l'esprit des lecteurs mondains, et particulièrement des femmes, les contes venus de Bretagne^ attrait qui existait avant lui, mais qu'il accrut et renouvela en faisant de ces contes l'expression des idées, des sentiments et surtout des conventions alors à la mode .

Parmi les romans de Chrétien, celui qui est resté le plus célèbre est le Perceval, moins à cause de la partie qui est de Chrétien qu'tà cause des suites qu'elle a reçues, où la légende du graal a pris un caractère et une importance qu'il ne paraît pas lui avoir attribués, et surtout du Par::^ival de Wolfram d'Eschen- bach, auquel remonte le Parsifal (nom barbare !) de Wagner. La Charrette, mal composée et pleine d'obscurités, est d'un grand intérêt, tant par ses origines, qui appartiennent à la mytho-

��1. On a récemment constaté que, dans un passage du Chevatier au lion, Chrétien a imité d'assez prés des vers du Saint Breudaii anglo-normand (voir Roiihinia,t. XXVII, p. 33 5-).

2. Combien peu, — surtout dans ses derniers romans, — le style de Chré- tien se distingue de celui de ses meilleurs contemporains, c'est ce que montre la continuation du Lancelot par GoJefroi de Lagni, où M. Fôrster reconnaît que, si nous n'étions pas avertis, nous n'apercevrions aucune différence avec la partie qui est de Chrétien.

�� �