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M. Fôrster ne doute pas qu'il en ait composé un; bien plus, que son Tristan soit l'unique base de tous les autres: « Le Tris- fan deChrétienestla plus ancienne rédaction littéraire dont nous ayons connaissance. On peut donc regarder toutes les autres comme postérieures. Etant donnée la façon dont, au moyen âge et précisément en France, on remaniait des sujets alors aimés et célèbres (le successeur prend toujours pour base le livre de son prédécesseur, change quelques détails suivant son idée et son caprice, intercale quelques épisodes plus ou moins bien adaptés, polémise à l'occasion contre sa source, s'en réfère à des sources propres toujours, sans doute, ou presque toujo.urs inven- tées par lui, et le roman de concurrence est fait), on doit admettre que fontes les versions postérieures de Tristan reposent sur Chrétien. » (P. xxi.)

Remarquez le peu de cogence, comme disent les Anglais, de cette argumentation : le roman de Tristan de Chrétien est le plus anciennement mentionné, — donc tous les autres sont pos- térieurs, ■ — donc ils en sont tous imités. Mais les assertions sur lesquelles s'appuie cette argumentation sont-elles au moins bien établies }

La première est contestable. M. Fôrster admet que l'allusion de Bernard de Ventadour à Tristan et Iseut a trait à une rédac- tion littéraire, puisqu'il l'applique (p. xiii) au Tristan de Chré- tien : or elle est de 1154. Elle est donc, en tous cas, antérieure à Cligés, d'un an seulement d'après M. Fôrster, de quinze ans environ suivant moi (voir plus loin). Mais Chrétien peut avoir fait un Tristan quelques annés avant le Cligés, avant VErec, avant même la Pbilomena ? Soit. Mais en nous tenant strictement aux dates assurées, il n'est pas exact de dire que la plus ancienne mention d'une rédaction littéraire de Tristan est celle de Cli-

Je n'ai pas lu sans surprise les remarques qui viennent ensuite et qui aboutissent à la conclusion que toutes les versions de Tristan reposent sur celles de Chrétien. Je ne connais pas un

��I. Il va de soi que, pour que Bernard de Ventadour put citer, en 1154, Tristan et Iseut comme généralement connus, il fallait qu'ils le fussent depuis un certain temps .

G. Paris. — Moyen âge. 17

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