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22 LITTERATURE FRANÇAISE AU MOYEN AGE

éveil. Je ne m'en plains pas pour ma part : ce qui est le plus intéressant dans un livre est toujours ce qui a le plus intéressé l'auteur et ce qu'il connaît le mieux, et il eût été dommage, en fin de compte, que M. Suchier eût restreint la partie littéraire de son livre au profit de la partie sociale où il n'avait pas le même fonds de recherches et de réflexions. Il n'a pas d'ailleurs négligé cette partie de sa tâche : plus d'un courant, plus d'une production littéraire sont expliqués par les transformations sociales ou les circonstances historiques. Mais l'histoire littéraire proprement dite est, comme il est naturel, ce qui fait la valeur propre et, en beaucoup de points, la nouveauté de l'ouvrage. J'ajouterai que l'exposition en est de tout premier ordre : le style, clair et simple, est d'une propriété remarquable; on sent que toutes les expressions ont été pesées par un esprit délicat et réfléchi, et souvent elles révèlent, rien que par leur choix ou leur groupement, des manières originales de voir et de com- prendre les faits. La lecture du livre est toujours attachante, et, si elle instruit les simples lecteurs, elle suggère à chaque instant des idées ou des questions à ceux qui sont familiers avec le sujet \

Je voudrais, dans ce compte rendu, indiquer autant que pos- sible ce qu'il y a de neuf, au point de vue de l'histoire litté- raire, dans le beau livre de M. Suchier, les points sur lesquels je crois que la science lui doit des acquisitions solides, ceux sur lesquels j'ai des doutes ou je diffère d'avis avec lui. Mais la tâche m'est rendue malaisée par une circonstance particulière. M. Suchier n'est pas homme à rien avancer sans avoir à l'appui de son dire, sinon des preuves, au moins des arguments; or, la nature de la publication dont il s'était chargé lui interdisait de les donner. Il m'est, dès lors, très difficile de savoir si telle assertion qui me semble nouvelle n'a pas déjà été émise ailleurs, si telle autre qui me semble contestable ne se fonde pas sur des documents qui me sont inconnus ou ne me reviennent pas à la

I. Je ne crains pas d'être démenti par les compatriotes de l'auteur en signa- lant tout particulièrement l'excellence de ses traductions en prose ou en vers. Parmi les dernières, notamment, il en est d'exquises. M. Suchier se montre vraiment poète : il se permet parfois, quand il manque un vers ou une strophe, de les suppléer, et le foit toujours avec un grand bonheur.

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