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CLIGÈS 251

lien tout extérieur et adventice, — à la matière de Bretagne. Le premier en date, nous l'avons vu, paraît être Erec, qui pré- sente, comme l'a démontré M. Fôrster, beaucoup de traits archaïques quand on le compare aux romans subséquents. L'assurance avec laquelle le poète y parle de lui est frappante :

Dès or commencerai l'estoire Qui toz jorz mais iert en mémoire Tant con durra crestiantez ; De ce s'est Crestiiens vantez.

Il faut que ses premiers ouvrages lui eussent déjà acquis une grande réputation. Il parle avec mépris de ceux qui de conter vivre vuelent et qui gâtent ei estropient devant rois et devant contes l'histoire qu'il va, lui, dire comme il sied. Il semble résulter de là qu'il avait fréquenté et fréquentait encore, mais sans doute dans une situation plus relevée que celle de ces conteurs errants, les cours des rois et des comtes. En fait de cours comtales, il avait sans doute été présenté à celle du comte de Champagne; mais comme il s'appelle ici Chrétien de Traies, il faut qu'il n'ait pas composé le roman à Troies, ou ce surnom n'aurait pas eu de sens ; peut-être se trouvait-il alors à la cour du roi à Paris. Malheureusement, comme Cligés et Yvain, le poème est privé de toute dédicace.

Était-ce en simple qualité de poète que Chrétien était atta- ché aux cours seigneuriales ? Des vers de Lancelot ont donné à penser le contraire. Lancelot s'étant rendu incognito à un tour- noi, un héraut d'armes ' reconnaît son écu et se met à crier : Or est venui qui auncra ! (c'est-à-dire : « Le combattant par excellence, le vainqueur est arrivé^ ! »). Le poète ajoute :

��1 . Chrétien ne fait pas des mœurs de ce personnage une peinture flatteuse. Il l'appelle un garneiiu-iit. Un hiraut iFannes en chemise Qui en la taverne avait mise Sa cote aviiec sa chauceiïre.

2 . Sur l'emploi de cette locution, M. Fôrster, dans sa note sur les vers où elle figure, dit que jusqu'à présent on n'a trouvé en dehors de notre pas- sage qu'un seul exemple de cette formule (celui que j'ai cité, Rontania, t. XVI, p. 401). Cependant M. Grober (Zeitschr. fur rom. PJnlotogie, t. XI, p. 430) l'a relevée dans le Roman de Ham(y. 283), où, à la vérité, elle peut bien provenirdirectement de Chrétien. [Cf. G. Pans, Mélangeslingiiistiqiws, p. 587.]

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