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CLIGÈS • 249

sa ville natale ; on en ignore le sens \ Il devait être de condi- tion modeste, et n'appartenait certainement pas à la classe chevaleresque \ Il fit des études cléricales ', dont ses œuvres gardent mainte trace : non seulement il a composé des tra- ductions du latin, mais il déploie à l'occasion une érudition toute scolastique ^. Si ce que j'ai dit plus haut de son surnom de /(' Gois est juste, il composa ses premières œuvres, — tout au moins Philoniena, — à Troies même. Ce petit poème, — qui appartient à un groupe que M. Fôrster appelle du nom col- lectif d'Ovidiana, — est plutôt une imitation abrégée qu'une véritable traduction ; il est écrit dans un style aisé, mais encore peu personnel ' ; Chrétien y montre déjà son goût pour les longs dialogues et pour les réflexions morales. En mettant ainsi en vers français un récit latin, le jeune poète, comme nous le ver-

��1. Dans le Banquet du hois, poème du xive siècle {Ane. poès. franc., par Montaiglon et Rothschild, t. X, p. 211), figure un berger appelé Gonin h Gois ; cela n'éclaircit pas le sens du mot. On lit également dans une lettre de rémission de 141 3 citée par Carpentier (Du Cange, s. v. Goia i) : Les sup- plians, estans en la ville de Dousy (Ardennes), l'irent passer deux hommes que l'en disait estre a aucuns, nommer les Goys, et ennemis de nous. L'annotateur, qui a, d'après le passage de VOvide moralisé, attribué à l'auteur anonyme de ce poèrne les noms de Chrestien le Gouays (voir A. Thomas, Romariia, t, XXII, p. 273), semble, parles modifications mêmes qu'il a fait subir à la graphie, attester que le nom en question était encore vivant de son temps (milieu du xive siècle) en Champagne [cf. éd. De Boer, pp. ex et 199].

2. C'est ce qui explique que nous ne le trouvions dans aucun document officiel du xiie siècle : M. Fôrster (Cligès, p. vu) s'étonne que le nom si célèbre de Chrétien ne figure dans aucune charte, au moins comme celui d'un témoin ; c'est plutôt le contraire qui serait surprenant.

3. Les écoles de Troies étaient alors très florissantes (voir d'Arbois de Jubainville, Hist. des comtes de Champagne, t. III, p. 195).

4. Il allègue (dans Érec) Macrobe (par plaisanterie, à la vérité), et décrit les quatre arts du Ouadrivium (géométrie, arithmétique, musique, astrono- mie) dont la représentation était brodée sur la robe d'Érec. — Wolfram d'Eschenbach donne à-Chrétien le titre de maître (^uieistcr) ; mais c'est sans doute arbitraire : ce titre ne lui est jamais attribué en France.

5 . Il est à remarquer qu'on y trouve déjà, et en abondance, la « brisure du couplet I) qu'on a signalée (P. Meyer, Romania, t. XXIII, p. 17) comme une innovation apportée à la versification française par notre poète.

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