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RAOUL DE CAMBRAI 1 6 I

son oncle. Les mœurs et l'allure de cette partie du récit sont encore anciennes, mais déjà moins frappantes ; la ressemblance avec d'autres poèmes, comme les Lorrains, est sensible ; les événements semblent n^avoir aucun fondement historique et être sortis tout entiers de l'invention d'un jongleur, mais d'un jongleur de haute époque et encore tout imprégné de l'esprit de la vieille chanson qu'il continuait '. Cette chanson devait pri- mitivement, sauf le tableau des funérailles, la peinture pathé- tique des sentiments d'AaIais en voyant sa malédiction trop bien accomplie, et quelques strophes de conclusion, s'arrêter à la mort de Raoul, l'événement qui en est véritablement le centre et le but.

Je ne veux pas dire précisément par là que Raoul soit le héros de la chanson. La chanson, nous dit un vers certaine- ment fort ancien, est « extraite des pairs de Vermandois ». Elle est faite au point de vue des fils d'Herbert et particulière- ment de Bernier, qu'elle présente tout le temps sous le plus beau jour, tandis que le blâme pour l'orgueil et la desmesure de Raoul se mêle sans cesse à l'admiration qu'inspirent son courage et sa témérité même, à la pitié qu'appelle sa courte et tragique destinée. Un vers infiniment précieux fait apparaître tout à coup, au moment où la grande bataille va s'engager, le poète qui la chantera :

Bertolais dit que chançon en fera.

Ce Bertolai, d'après la strophe suivante, était de Laon, « preux et sage », et de noble famille. Ces renseignements, dus sans doute à un des remanieurs les plus anciens, doivent être exacts. Laon appartenait au roi, mais cette ville touchait le Verman- dois, et Bertolai était sûrement dans l'armée des fils d'Herbert. C'était sans doute non un jongleur de profession, mais un guerrier ; à cette époque, ceux qui livraient les combats savaient

��I . Le personnage de Gautier, dont le fondement historique est plus que douteux, figure déjà dans la forme de notre poème que résume, à la fin du xie siècle, le moine de Waulsort. L'invention de ce personnage, si c'en est une, est donc antérieure, et a suivi de près la première chanson.

G. Paris. — Moyen âge. ii

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