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J-LIH DU SAIST-GILLES 133

comme champion contre le roi Lubien, qui veut obtenir sa main de force. Vainqueur de Lubien, Elie tue Caïfas, le frère de Rosamonde, qui l'avait insultée, et est assiégé avec elle dans une tour, où il se défend longtemps seul. Enfin, un mes- sage envoyé en France lui ramène un puissant secours ; les païens sont défaits, et Rosamonde, baptisée, devient la femme d'Élie. Certains traits de cette histoire rappellent plus particu- lièrement celle de Huon de Bordeaux, d'autres celle de Gui de Bourgogne dans Fierabras ; mais le fait général de Tamour d'une princesse étrangère pour un héros national, auquel elle flicilite ses entreprises, pour lequel elle sacrifie sa famille, sa 'patrie et sa religion, et dont elle devient la femme, se retrouve dans toute l'épopée indo-européenne : les aventures de Médée avec Jason, d'Ariane avec Thésée, nous en offrent les plus ;Inciens exemples, et les poèmes germaniques le connaissent aussi bien que nos chansons de geste. L'auteur d'Elie n'a pas eu à faire grands frais d'imagination pour donner une nouvelle variante à ce thème. Plusieurs des circonstances mêmes qu'il a ajoutées ont été empruntées ailleurs. La colère du vieux Julien, au début du poème, contre l'apparente inertie de son fils, est un motif qui revient dans plusieurs poèmes du cycle narbonnais. Le person- nage épisodique de Galopin, le rusé petit voleur qui met son art et ses sortilèges au service du héros, rappelle en partie le fameux larron Basin, en partie le nain Auberon. Le vol noc- turne accompli par lui du cheval merveilleux de Lubien est imité d'incidents analogues dans Goniiond et dans Renaud de MoHtauban; c'est aussi d'ailleurs un lieu commun épique : qu'on se rappelle (sans comparaison) l'enlèvement des chevaux de Rhésos dans l'Iliade.

Mais pourquoi notre poète a-t-il fait le héros de son récit d'un personnage, inconnu d'ailleurs, qu'il appelle Elie de Saint- Gilles ? Pour profiter, à mon avis, de la gloire attachée au nom de Julien de Saint-Gilles, qu'il lui donne pour père. L'histoire ne nous a pas conservé le souvenir d'un comte de Saint-Gilles (ou de Toulouse, c'est tout un) qui se soit appelé Julien, mais il est certain que l'épopée en célébrait un dont les exploits étaient intimement mêlés à ceux de la geste de Narbonne, c'est- à-dire s'accomplissaient contre les Sarrasins du midi de la France et du nord de l'Espagne. Dans Raoul de Cambrai, un

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