Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/132

Cette page n’a pas encore été corrigée

128 l'épopée

fait faire ce livre en norrain pour votre divertissement. » Robert avait donc sous les yeux un manuscrit incomplet, et il n'a pas essavé de suppléer ce qui manquait. Plus tard un autre a eu moins de scrupule, et, dans une version d'ailleurs assez rema- niée de l'œuvre de Robert, conservée par plusieurs manuscrits du xv*^ siècle, nous trouvons un dénouement qui termine à la satisfaction de tous les aventures du héros. M. Kôlbing, dans une p"imière étude sur VElissaga, pensait que ce dénouement, différent de celui que donne en français notre unique manus- crit, représentait le dénouement original, retrouvé sans doute, dans un manuscrit français perdu, par le continuateur de l'abbé Robert. Divers critiques ', et au premier rang M. Gaston Ray- naud, ont montré que cette hypothèse était inadmissible, et que le dénouement ajouté à l'œuvre de Robert était non seu- lement d'invention récente, mais d'invention Scandinave : il suffirait, pour n'en pas douter, d'y voir figurer un fils de Guil- laume d'Orange, nommé Gérard, et inconnu de toute l'épopée française. M. Kôlbing s'est d'ailleurs rallié lui-même à cette manière de voir. Le dénouement de VElissaga reste donc un morceau intéressant, puisqu'il nous montre un écrivain norvé- gien ou islandais assez imbu du style et du caractère de nos chansons de geste pour essayer de « trouver » lui-même à leur imitation, et pour faire hésiter la critique moderne sur l'origine de son œuvre ; toutefois c'est plutôt l'histoire littéraire de la Scandinavie que celle de la France que cette question intéresse. Mais elle n'est pas la seule que soulève VElissaga. Par une singulière complication, précisément un peu avant le moment où le livre français que suivait l'abbé Robert lui a manqué, le texte de ce livre, généralement (sauf quelques divergences dont nous parlerons tout à l'heure) d'accord avec le texte de notre manuscrit unique, se met à en différer sensiblement. L'accord cesse au vers 2344 : Élie, revenant de vaincre l'ennemi du roi sarrasin Macabre, père de Rosamonde, apprend que Caïfas, fils de Macabre, a insulté et frappé Rosamonde sa sœur, à cause de son amour pour lui; il pousse son cheval, et arrive à Sorbrie, tenant encore à la main son épée nue et sanglante :

��I. Voyez Fôrster, Aiol und Elie de Saitil-Gilles, p. xuv.

�� �