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la chanson racontait aussi comment Aioul, fils d'Élie, l'avait vengé et rétabli dans ses honneurs. Mais il paraît être arrivé pour ce poème ce qui est arrivé pour d'autres, par exemple pour Fierabras. Les aventures d'Aioul intéressèrent plus que celles de son père. On les en détacha ', on les amplifia, puis on leur fit, suivant un usage trop fréquent chez nos vieux poètes, une longue suite d'un caractère tout difterent, étranger à l'épopée féodale à laquelle appartenait le poème primitif. Non seulement Aioul, après avoir vaincu Macaire, doit aller h Pampclune enlever une princesse sarrasine : il faut encore qu'on nous raconte l'histoire de ses deux fils, qui devinrent, comme lui, rois en Espagne. Tout cela se trouvait déjà dans la chanson d'Aioul que le remanieur a eue sous les yeux ; car au début, dans un songe raconté par Élie et expliqué par Moïse en vers décasyllabiques, ces aventures sont annoncées ' . Mais le rema- nieur n'a pas réafisé la dernière partie de la prophétie qu'il a reproduite, et il paraît bien qu'il n'a pas connu la fin du poème: les cinq mille derniers vers, comme on l'a vu, lui appartiennent en propre. Il y a introduit de nouvelles aventures, que ne pré- voyait pas son prédécesseur, car il les aurait annoncées dans le

��1. Ce qui montre encore que la chanson d'Aioul dépend de celle d'Élie, c'est la qualification si souvent donnée à Aioul de « li fis Elie ». Il est appelé aussi « li fis Elie al vieil», ce qui prouve que le premier remanieur s'est trompé en ne donnant à Élie (v. 437) que trente-cinq ans quand son fils le quitte. A ce compte il n'aurait pas eu vingt ans lors de sa disgrâce; alors quand aurait-il accompli les exploits dont parle le prologue ?

2. Notons aussi que l'hôtesse d'Aioul à Orléans, se plaignant à lui de toutes les guerres qu'on fait au roi de France, lui dit :

Et Sarrasin nous meinent moût malement, Pampelune nous tolent a escient (v. 2546).

C'est là une préparation à l'épisode du message d'Aioul à Pampelune et de l'enlèvement de Mirabel. On voit aussi par ce vers que les Sarrasins venaient d'enlever Pampelune aux chrétiens; c'est ce qui est dit plus explicitement dans la partie en alexandrins : on y voit (v. 5206-5207) que Charlemagne avait conquis cette ville et que les païens l'avaient recouvrée. La prise de Pampelune par Charlemagne était certainement racontée dans une chanson de geste perdue, à laquelle notre poème fait allusion.

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