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âge n’en avait rien connu, et devant cette splendeur vierge enchantant les yeux éblouis, tout ce qui l’avait ignorée semblait ténébreux, difforme et vulgaire. Il faut tenir compte aussi de cette circonstance que la Réforme, à laquelle beaucoup des humanistes qui coopérèrent à la Renaissance étaient plus ou moins ouvertement attachés, créait une séparation entre le passé catholique de la France et ce qu’on rêvait de son avenir : le moyen âge et même les temps immédiatement précédents apparaissaient comme imbus de superstitions grossières aussi bien que comme ignorants et barbares. Enfin la Renaissance fut en France l’œuvre de purs érudits ; elle sortit des collèges et des imprimeries, tandis qu’en Italie elle avait été l’une des formes de l’action d’hommes profondément mêlés, comme Dante et Pétrarque, à la vie politique de leur temps et cherchant dans la poésie un moyen d’exprimer les idées et les passions qui agitaient les hommes autour d’eux, ce qui les mettait en communication directe et réciproque avec le milieu ambiant. Nos hellénistes français, au contraire, ne cultivaient l’art que pour l’art lui-même et ne s’adressaient qu’à un cercle restreint dont ils composaient à eux seuls la plus grande partie. Il ne pouvait sortir de là qu’une littérature de cénacle, qui de prime abord se mettait à l’écart du peuple et en opposition avec lui, et si elle aboutit, dans son plus beau développement, au xviie siècle, à une littérature vraiment nationale, ce fut parce que la partie cultivée de la nation s’était peu à peu formée à son école, parce que de son côté elle avait fait, avec Malherbe, de grandes concessions à un public plus large, et enfin parce que l’époque qui lui permit d’atteindre son apogée était une époque de gouvernement absolu, où les grandes questions humaines étaient soustraites à la discussion, et où la littérature avait pris toute la place interdite aux autres activités de l’esprit. Mais à l’origine la littérature, et surtout la poésie nouvelle, s’était fait une loi de ne s’adresser, comme le proclamait Ronsard, qu’à ceux qui étaient « Grecs et Romains », et par conséquent ne se souciait nullement de se rattacher aux traditions et aux habitudes d’un passé qu’elle dédaignait et d’un « vulgaire » qu’elle avait en horreur.

Mais la plus importante de toutes les causes qui expliquent la rupture de la littérature du xvie siècle avec celle du moyen