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104 LITTERATURE FRANÇAISE AU MOYEN AGE

taient dans votre race quand elle a reçu l'afflux apporté par les vikings ; ceux-ci leur ont seulement donné une force nou- velle. Sur le tronc gallo-roman, déjà français, la. greffe Scan- dinave devait seulement développer avec plus d'énergie la sève héréditaire, la faire monter plus haut et plus droit, la faire s'épanouir en une plus riche frondaison.

Cette sève forte et féconde, je me suis borné à en décrire la première poussée. Non seulement je ne l'ai pas suivie jusqu'au sommet de la tige, mais j'ai volontairement laissé de côté, non sans le désigner parfois à votre attention, le puis- sant rejet qu'elle a vivifié pendant des siècles, toute cette lit- térature anglo-normande, encore imparfaitement connue, et dont l'exploration méthodique offre à l'étude un champ plein de promesses. Dans le pays conquis par leurs aïeux, où ils transportèrent leur esprit, leurs institutions et toute leur ardente activité, les Normands développèrent avec une ampleur inattendue les dons qui leur avaient permis de constituer en France leur nationalité propre et qui, de l'autre côté de la Manche, leur avaient assuré la victoire. Pour ne parler ici que de ce qui nous occupe directement, ils y créèrent toute une littérature, dans laquelle ils montrèrent une variété plus grande que celle qu'avait eue leur littérature continentale. Au contact des Saxons et des Bretons de la grande île, ils s'initièrent à de nouvelles formes de poésie ; ils produi- sirent des œuvres qui, comme le poème de Horn ou le Tristan de Thomas, donnèrent à une inspiration anglaise ou celtique la forme, alors dotée d'une sorte d'universalité, de la langue et de la poésie française, et qui occupent une place à part dans la littérature du moyen âge. Leurs œuvres furent à leur tour les modèles que suivit la littérature anglaise quand, se relevant de la léthargie qui l'avait frappée après la conquête, elle reprit sa place au soleil. La veine normande dans le développement de cette littérature a été prépondérante au début et n'a pas cessé de se faire sentir, en sorte que vous avez le droit de revendiquer une part, qu'on n'a peut-être pas faite assez large, dans Shakespeare aussi bien que dans Corneille '.

��I . Voyez ma leçon sur VEsprit noriiiaiid en Angleterre dans La Poésie au moven a'ge, 2^ série (Pnris, Hachette [2e éd., 1903]), p. 45-74.

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