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9^ LITTÉRATURE FRANÇAISE AU MOYEN AGE

fort gaiement racontées les mésaventures de Renard avec le coq Chanteclair, la mésange et Tibert le chat, est une œuvre nor- mande, et certainement antérieure à 1200, puisqu'elle est citée dans un poème écrit en cette année. La douzième, moins agréable, entachée d'obscurité et de pédantisme, est d'un prêtre du Cotentin, Richard de Lison, qui l'écrivit à la fin du xir' siècle. Une troisième (V) est probablement aussi normande, puisqu'on y nomme Pont-Audemer. C'était un sujet sur lequel, au dire de Guillaume le Clerc, les Normands ne se lassaient pas d'entendre « fabler » '.

J'ai essayé, Messieurs, de faire repasser devant vous, non pas toute la vie littéraire et poétique de la Normandie, mais ce que nous pouvons en connaître par les trop rares manuscrits ou témoignages qui en sont arrivés jusqu'à nous. Elle a dû être bien plus active que nous ne le savons, et correspondre à l'in- tensité de la vie que manifestait sous toutes ses formes la jeune nation fondée par Rollon. Je dis « nation » et je crois en avoir le droit. Il s'était formé parmi les habitants de cette grande province, fondus bien vite en un seul corps malgré la diversité de leurs origines, un véritable esprit national. Il fut renforcé et précisé de très bonne heure par l'opposition aux Français, qui, disait-on non sans raison, — on l'avait vu du temps de Louis IV, — gardaient au cœur une rancune de la cession imposée par Rollon et auraient bien voulu la révoquer. Les Normands du x% et même encore du xi" siècle, reconnaissaient bien qu'ils appartenaient au royaume de France, mais leur attitude à l'égard du roi et de ses sujets était plutôt défiante. En dehors de quelques indices dans les histoires latines, nous n'avons guère pour une si haute époque de témoignage exprès de leurs sentiments. En langue vulgaire, naturellenient, nous ne les trouvons exprimés que plus tard, et quand ils avaient pris un caractère assez différent à la suite de deux grands évé- nements : la conquête de l'Angleterre et l'avènement des Ange-

��I. Sur ];i date et la patrie de ces branches, voy. G. Paris, Le Roman de Reiidii (Pans, Bouillon, 1895, in-4^\ extrait du Jounial des Savanls) [et ci-des- sous, IIIj.

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