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tres choses qui ne deppendent que de vostre volonté, après, comme dessus est dict, les avoir bien entendues, commander les dépesches et responces, selon vostre volonté, aux secrétaires ; et le lendemain, avant que rien veoir de nouveau, vous les faire lire, et commander qu’ilz soient envoiés sans délay ; et en ce faisant, n’en viendra point d’inconvénient à voz affaires, et voz subjetz congnoistront le soing que vous avez d’eulx, et que vous volez estre bien et promptement servy ; cela les fera plus dilligens et soigneux, et congnoistront davantage combien voulez conserver vostre Estat, et le soing que prenez de voz affaires ; et quand il viendra, soit de ceulx qui ont charge de vous ou d’autres, des provinces pour vous veoir, prendre la peine de parler à eulx, leur demander de leurs charges et, s’ilz n’en ont point, du lieu d’où ils viennent : qu’ils congnoissent que vous voulez sçavoir ce qui se faict parmy vostre royaume et leur faire bonne chère, et non pas parler une fois à eulx, mais quand les trouverez en vostre chambre ou ailleurs, leur dire toujours quelque mot.

C’est comme j’ai veu faire aux Roys vostre père et grand-père, jusques à leur demander, quand ilz ne savoient de quoy les entretenir, de leur mesnage, affin de parler à eulx, et leur faire congnoistre qu’il avoit bien agréable de les veoir ; et en ce faisant, les menteuses inventions qu’on a trouvées pour vous desguiser à voz subjectz seront congneues de tous et en serez d’eulx aimé et honoré, car retournans à leur pays, feront entendre la vérité, si bien que ceulx qui vous ont cuidé nuire seront congneus pour meschans, comme ils sont. Aussi je vous diray que du temps du Roy Louy douziesme vostre aieul, qu’il avoit une façon que je désirerois infiniement que vous voulussiez prendre, pour vous oster toutes importunitez et presses de la court, et pour faire congnoistre à tous qu’il n’y a que vous qui donne les biens et honneurs, vous en serez mieux servy avec plus de fidellité : c’est qu’il avoit ordinairement en la poche le nom de tous ceulx qui avoient charge de luy, fusse près ou loing, grands ou petitz, comme de toutes qualitez, comme aussi il avoit ung autre roolle, où étoient escris tous les offices et bénéfices et autres choses qu’il pouvoit donner, et avoit fait commandement à ung ou deux des principaux officiers en chaque province, que quelque chose qui vaccast ou advint de confiscations, aubènes, amendes et choses pareilles, que nul ne fust adverty, que premièrement ceulx à qui il en avoit donné la charge ne l’en advertissent par lettre expresse, qui ne tombasse ès mains des secrétaires, ny autres que de luy-mesme ; et lors il prenoit son roolle, et regardoit selon la valleur qu’il voioit par iceluy ou qu’on luy mandoit, et, selon le roolle de ceulx qu’il avoit dans sa poche, il donnoit à celuy qui bon lui sembloit, et luy en faisoit faire la dépesche luy-mesme, et sans qu’il en sceust rien il renvoioit à celuy à qui il le donnoit ; et si, de fortune, quelqu’un, en estant adverty après, le luy venoit demander, il le refusoit ; car jamais à ceulx qui demandoient il ne donnoit, affin de leur oster la façon de l’importuner ; et ceulx qui le servoient sans laisser leurs charges, sans le venir presser à la court, et despendre plus que ne vault le don bien souvent, il les récompensoit des services qu’ilz lui faisoient.

Aussi étoit-il le Roy le mieux servy, à ce que j’ay oui dire, qu’il fut jamais, car ils ne recongnoisoient rien que luy, et ne faisoit-on la court à personne, estant le plus aimé qui fut jamais, et prie à Dieu qu’en faciez de mesme ; car tant qu’en ferez autrement aux placets ou autres inventions, croiez que l’on ne tiendra pas le don de vous seul, car