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et n’y entroit ny sortoit personne, quel qu’il fust ; comme aussi, au soir, dès que le Roy estoit couché, on fermoit les portes, et mettoit-on les clefz soubz le chevet de son lit ; et au matin, quand on alloit couvrir pour son disner et soupper, le gentilhomme qui tranchoit devant lui alloit quérir le couvert, et portoit en sa main la nef et les cousteaux desquelz il devoit trancher : devant luy, l’huissier de salle, et après, les officiers pour couvrir ; comme aussi, quand l’on alloit à la viande, le maistre d’Hostel y alloit en personne et le panetier, et après eulx, c’estoient enfans d’honneur et pages, sans valletailles, ny autres que l’escuyer de cuisine ; et cela estoit plus seur et plus honorable. Aussi l’après-disner et l’après-soupper, quand le Roy demandoit sa collation, ung gentilhomme servant qui portoit en la main la couppe, et après lui venoient les officiers de la panneterie et eschansonnerie. Aussi en la chambre n’entroit jamais personne quand on faisoit son lict ; et si le grand chambellan ou premier gentilhomme de la chambre n’estoient à le veoir faire, y assistoit ung des principaux gentilhommes de ladicte chambre ; et au soir, le Roy se désabilloit en la présence de ceulx qui, au matin, entroient, qu’on portoit les habillemens.

Je vous ay bien voulu mectre tout cecy de la façon que je l’ay vu tenir aux Roys vostre père et grand-père, pour les avoir veux tans aimez et honorez de leur subjectz, et en estoient si contens, que pour le désir que j’ai de vous veoir de mesmes, j’ay pensé que je ne pouvois donner meileur conseil que de vous régler comme eulx.

Monsieur mon fils, après vous avoir parlé de la police de la court, et de ce qu’il fault faire pour rétablir tous ordres en vostre royaume, il me semble qu’une des choses la plus nécessaire pour vous faire aimer de vos subectz, c’est qu’ils congnoissent qu’en toutes choses avez soin d’eulx, aultant de ceulx qui sont près de vostre personne que de ceulx qui en sont loing. Je dis cecy, parce que vous avez veu comme les malins avec leurs meschancetez ont faict entendre partout que ne vous soucyez de leur conservation, aussi que n’aviez agréable de les veoir ; et cela est proceddé des mauvais offices et menteries dont ce sont aidez ceulx qui, pour vous faire haïr, ont pensé s’establir et s’accroistre ; et que pour la multitude des affaires, et négligence de ceulx à qui faisiez les commandemens, bien souvent les dépesches nécessaires, au lieu d’être bientost et diligemment respondues, ne l’ont pas esté, mais au contraire ont demouré quelqueffois ung mois ou six sepmaines, tant que ceulx qui estoient envoiez de ceulx qui estoient enchargez des provinces par vous, ne pouvant obtenir response aucune, s’en sont sans icelles retournez ; qui estoit cause que voiant telle négligence, ils pensoient estre vrai ce que ces malins disoient ; qui me fait vous supplier que doresnavant vous n’obmettiez ung seul jour, prenant l’heure à vostre commodité, que ne voiez toutes les dépesches de quelque part qu’elles viennent, et que preniez la peine d’ouïr ceulx qui vous sont envoyez ; et si ce sont choses de quoy le Conseil vous puisse soulager, les y envoier, et faire ung commandement au chancelier pour jamais que toutes les choses qui concernent les affaires de vostre Estat, qu’avant que les maistres des requestes entrent au Conseil, qu’il aie à donner une heure pour les dépescher, et après faire entrer les maistres des requêtes, et suivre le Conseil pour les parties. C’est la forme que durant les règnes des Roys Messeigneurs vostre père et grand-père tenoit monsieur le connestable, et ceulx qui assistoient audict Conseil ; et les au-