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ce que j’ai pensé vous satisfaire, avant que d’aller à Gaillon, il m’a semblé qu’il restoit encores ce que j’estime aussi nécessaire pour vous faire obéir à tout vostre royaume, et congnoistre combien désirez le revoir en l’estat auquel il a esté par le passé, durant les règnes des Rois Messeigneurs vos père et grand-père ; et pour y parvenir, je pense qu’il n’y a rien qui vous y serve tant, que de veoir que aimez les choses réglées et ordonnées, et tellement pollicées, que l’on congnoisse les désordres qui ont été jusques ici par la minorité du Roy vostre frère[1], qui empeschoit que l’on ne pouvoit ce que l’on désiroit ; que cela vous a tant desplu, que incontinent qu’avez eu le moyen d’y remédier, et de tout régler par la paix que Dieu vous a donnée[2], que n’avez perdu une seulle heure de temps à restablir toutes choses selon leur ordre et la raison, tant aux choses de l’Église et qui concernent nostre religion, laquelle pour conserver, et par bonne vie et exemple tascher de remetre tout à icelle, comme par la justice conserver les bons et nettoier le royaume des mauvais, et recouvrer par là vostre auctorité et obéissance entière, encore que tout cela serve, et soit le principal pillier et fondement de toutes choses, si est-ce que je cuide que vous voyant réglé en vostre personne et façons de vivre, et vostre court remise avec l’honneur et police que j’y ay veue autrefois, que cela fera ung exemple pour tout vostre royaume, et une recongnoissance à ung chacun du désir et volonté qu’avez de remettre toutes choses selon Dieu et la raison ; et afin que en effet cela soit congneu d’ung chacun, je désirerois que prinssiez une heure certaine de vous lever, et pour contenter vostre noblesse, faire comme faisoit le feu Roy vostre père ; car quand il prenoit sa chemise, et que les habillements entroient, tous les princes, seigneurs, cappitaines, chevalliers de l’ordre, gentilzhommes de la chambre, maistres d’Hostel, gentilzhommes servans entroient lors, et il parloit à eux, et le voioient, ce qui les contentoit beaucoup.

Cela fait, s’en alloit à ses affaires, et tous sortoient, hormis ceulx qui en estoient et les quatre secrétaires. Si faisiez de mesme, cela les contenteroit fort, pour estre chose accoutumée de tous temps aux Rois voz père et grand-père ; et, après cela, que donnassiez une heure ou deux à ouïr les dépesches et affaires qui sans vostre présence ne se peuvent dépescher, et ne passer les dix heures pour aller à la messe, que comme on avoit accoustumé au Roys vos père et grand-père, que tous les princes et seigneurs vous accompagnassent, et non comme vous voys aller, que n’avez que voz archers ; et au sortir de la messe, disnez, s’il est tard, ou sinon vous promenez pour votre santé, et ne passez unze heure que ne disniez ; et après disner, pour le moings deux fois la sepmaine, donnez audience, qui est une chose qui contente infiniment vos subjetz ; et après vous retirer et

    çais, no 15878, p. 71). Les lettres patentes de déclaration de la guerre aux Anglais, imprimées à Rouen chez Le Mégissier, sont datées de Gaillon, 1563. La lettre précédente est datée de Gaillon, le 7 septembre ; c’est durant ce dernier séjour que Catherine a dû dicter ses conseils à Charles IX, qui venait d’être déclaré majeur, pour lui tracer la règle d’une vie royale.

  1. Pour soutenir sa thèse M. Grun cite cette phrase : Les desordres qui ont esté jusques icy par la minorité de vostre frère, phrase qui, selon lui, ne peut s’appliquer à un roi majeur. Cet argument n’a rien de concluant, car tous les auteurs du temps, eu égard à la jeunesse de François II, le traitaient de mineur. Le plus autorisé, La Pepelinière, le dit en propres termes : « Les malcontens debatoient l’administration du royaume illégitime, veu que le Roi estoit mineur. » (Hist. de France, 1581, livre VI, p. 153 vo).
  2. Catherine fait évidemment allusion à la paix d’Amboise.