Page:Médicis - Lettres, tome 02, 1563-1566, 1885.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et pour sete aucasion y lui a comendé de vous conter come lé chause sont pasaye depuis le comensement jeuques asteure, afin que par là Vostre Majesté entende et conèse le besouin

    à un estat misérable et digne de grande commisération, auquel, pour donner quelque allégement et esviter l’entière ruine et subversion de cet Estat, que l’on prévoioit devoir advenir de la continuation de la guerre, la Royne, Messieurs les princes du sang, Monsieur le Connestable et tous les autres bons serviteurs du Roy ont esté d’advis de mettre fin et venir à une paix en accordant à ceulx de la nouvelle religion une partie de ce qu’ilz demandoient, par où, encore que le cours du mal présent n’ait esté arresté à la racine tellement coupée qu’il ne puisse d’ici à un jour, un mois, un an, renaistre et recommencer ; d’autant que la mesme division qui a jà allumé le feu de la guerre demeure toute entière en sa force et vigueur pour le ralumer à la première occasion que Dieu voudra pour noz péchez permettre, et pour ce qu’il n’y a nulle espérance qu’en cella se puisse plus trouver remède aucun par les armes, d’autant qu’avec une longue et périleuse guerre, une grande et obstinée continuation dont il n’est sorti aucun fruict, il fault, par nécessité, recourir aux remèdes propres à ce mal, telz que l’expérience des choses passées nous a apris par tous les anciens avoir esté en pareille cause pratiquez ; qui est la détermination d’un bon, sainct et légilime concile, auquel se puisse composer la cause pour laquelle tant d’hommes ont péri, tant de sang répandu et tant de provinces sont ruinées ; et pour ce que ledict sieur roy catholicque pourra trouver estrange ce langage, attendu que le concile est ouvert, auquel y a tant de gens notables d’une bonne partie de la chrestienté qui y a esté assemblée, et duquel ce que nous recherchons se doibt attendre et esperer ; en cela ledict sieur d’Oysel luy dira, après luy avoir faict toutes les propositions qu’il est possible, que tout ce qui luy est dict, ce que le Roy en recherche, ce qu’il en met en avant, n’est pour en rien se séparer de l’union de l’Église et de l’obéissance du Sainct-Siége ; mais comme le prince de la chrestienté, qui est le plus affligé de celle division, qui, sentant le mal pénétrer jusques dans ses entrailles, a tenté tous les remèdes du monde avant qu’il ait gaigné le cœur pour l’arrester, est forcé, contrainct d’esprouver ce que l’on lui conseille et l’expérience apprend pouvoir lui aporter entière guérison.

    « Or, il est certain qu’en toutes les divisions qui ont esté pour le faict de la religion entre les chrestiens, ce concile a esté celuy qui a mis la paix, et que les grands et généraux conciles qui ont esté et se sont faictz sous l’auctorité des Empereurs, qui, dominants en la chrestienté, y ont assemblé tous les princes chrestiens, el là, d’un commung consentement, et avec une mesme intention, ont corrigé, ordonné, aprouvé et réprouvé ce qu’il y a eu en dispute entre les chrestiens, en laquelle assemblée estant faite généralement de tous les chrestiens et en concurrence de toutes les provinces, il a esté advisé et remédié à ce qu’il y a eu de mal en chacune, et tels se sont pu dire et estimer les conciles généraux œcuméniques.

    « Mais maintenant, encore qu’il y ait une grande et notable assemblée à Trente, sy ne se peut-elle dire pour cella généralle, d’autant que la moitié de la chrestienté n’y est comparue ; et ne l’approuvent pour libre et général concile les royaumes de Danemark, d’Angleterre, d’Écosse et toute la Germanie, partie de la Suisse et, à son très grand regret, une bonne partie de la France l’improuvant ; de façon que, encore qu’en ce concile se délibèrent et déterminent de bonnes et saintes constitutions, elles profitent pour ceux qui l’approuvent, mais à ceux qui ne le reçoivent pour n’y estre ouys, elles ne leur serviront que de les animer davantage, et croistre el augmenter de plus en plus entre les uns el les autres les divisions que nous y voions.

    « Et pour cette cause, il semble au Roy, à la Reyne et à beaucoup de grandz personnages de son Conseil que, s’il se pouvoit faire que cette sainte assemblée se fist en quelque lieu où les Allemans, qui sont ceux qui aujourd’hui sont les principaux autheurs de la division, fussent conviez d’y venir, et ne peussent avec raison la refuser, ce seroit un grand point de grande efficace pour l’union de toute la chrestienté ; car lors ceulx qui sont les parties adverses y convenans et disputans, et par la dispute cherchant l’union tant désirée, il se pourroit espérer que Dieu auroit pitié de son Églize et lui feroit la mesme grâce qu’il a faite en d’autres siècles, où les erreurs estoient grandes et la religion fort troublée, pour lequel effect il a beaucoup de villes libres sur le Rhin qui seroient fort propres à cella, comme Spire, Basle, etc. (lesquelles ledict sieur d’Oysel ne nommera s’il ne voyoit que ledict sieur roy catholique le demandast, et, en ce cas, par forme d’advis, il le pourra faire), en l’une desquelles, sy l’Empereur, qui est celui qui doit la seureté au concile, trouvoit bon, avec l’advis du roi catholicque, du Roy Très Chrestien et des autres princes et potentatz de la chrestienté, que le concile se transférast pour là avoir le moyen de faire venir les Allemands, il seroit bon que ledict sieur roy catholicque, s’il a, comme il est croyable,