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Et si le sort voulait qu’une trop vive ardeur
La poussât un instant au chemin de l’erreur,
Loin de paraître aigri d’une légère offense,
À de prudents conseils limite ta vengeance ;
Du sentier qu’elle eût pris montre lui le danger :
La rougeur de son front doit assez te venger.


Ne va pas, abusant du sceptre domestique,
Imposer à la femme une loi tyrannique ;
Que tout vous soit commun, vos peines, vos plaisirs ;
Préviens, si tu le peux, ses innocents désirs.
Et quand, pour célébrer quelques nouvelles fêtes,
Ses compagnes iront à des plaisirs honnêtes,
Ne va pas, en tyran mal à propos jaloux,
L’empêcher de les suivre au commun rendez-vous.
Ce n’est pas au grand jour d’une fête pompeuse
Que jette un séducteur son amorce trompeuse ;
Mais plutôt en suivant de perfides détours,
D’une ignoble intrigante empruntant le secours,
C’est sous le toît voisin que son art se déploie
Et qu’il attire, hélas ! son imprudente proie !


Pourtant, si du soupçon tu dois craindre l’accès,
Garde-toi de tomber dans un contraire excès.
N’imite pas surtout ce mari trop facile
Qui, croyant aux efforts d’une vertu fragile,
Laisse voler sa femme au piège qu’on lui tend.
Veille, porte en tout lieu ton regard pénétrant ;
Et quand, d’un soin jaloux ton âme tourmentée
Cherche à parer au loin la honte redoutée,
Crains qu’un traître, abusant d’une feinte amitié,
Ne vienne sous tes yeux séduire ta moitié !