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RIENZI.

Au delà s’étendaient, formant un paysage vaste, riche et varié, les vignes et les bosquets d’oliviers, les villas et les villages de la vallée de l’Arno, interrompus çà et là par les flots argentés de cette rivière, tandis que la ville, dans tout son calme (mais ce calme n’avait rien d’horrible à distance), étalait au soleil ses toits et ses clochers. Des oiseaux variés de chant et de plumage, gazouillaient alentour, les uns en liberté, les autres dans des réseaux de fils d’or ; sur le milieu de la pelouse reposaient quatre dames sans masques et richement vêtues, dont la plus âgée semblait à peine avoir plus de vingt ans, avec cinq cavaliers, jeunes et élégants, dont les habits ornés de bijoux et les chaînes d’or indiquaient le haut rang. Des vins et des fruits étaient placés non loin de là sur une table, et des instruments de musique, des jeux d’échecs et de trictrac étaient dispersés alentour. Adrien ne vit jamais qu’une fois un si beau groupe et une scène si gracieuse, et c’était au milieu de la peste lugubre qui affligeait l’Italie !… Nous pouvons encore, le livre à la main, voir revivre ce groupe et cette scène dans les pages du brillant Boccace !

En voyant approcher Adrien et ses compagnes, le groupe se leva à l’instant ; et une des dames, qui portait sur la tête une couronne de feuilles de laurier, précédant les autres, s’écria :

« Bravo, ma chère Mariana ! Salut à votre retour, mes belles sujettes. Et vous, beau sire, soyez ici le bienvenu ! »

Les deux guides du Colonna avaient dans l’intervalle ôté leurs masques, et celle qui l’avait accosté, secouant ses boucles longues et noires sur un œil brillant et joyeux, le long d’une joue naturellement olivâtre mais maintenant colorée d’une légère rougeur, se tourna vers lui avant qu’il pût répondre à la bienvenue qu’on lui adressait.

« Seigneur cavalier, dit-elle, vous voyez maintenant le tour que je vous ai joué. Avouez que ceci vaut mieux que