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RIENZI.

Cette question arrêta Adrien. Il donna le nom d’Irène avec toutes les particularités qu’il put détailler ; et d’un cœur oppressé, décrivit la chevelure, les traits, la tournure de cette image aimable et sacrée, qui aurait pu fournir un sujet au poëte et qui pour le moment servait seulement de signalement au fossoyeur.

Le spectre mystérieux secoua la tête quand Adrien eut terminé. « Voilà bien cinq cents fois que j’ai entendu faire ces descriptions-là, dans les premiers jours de la peste, quand il y avait encore des maîtresses et des amoureux ; mais c’est égal, on cherchera dans ce catalogue intéressant, seigneur, et le pauvre Becchino se fera honneur de découvrir ou même d’enterrer tant de charmes ! Je ferai de mon mieux ; en attendant, je pourrai, si vous êtes pressé de bien employer votre temps, vous recommander à plus d’un joli minois.

— Hors d’ici, démon ! murmura Adrien, je me reproche de perdre mon temps avec des gens de ton espèce ! »

Le rire du fossoyeur suivit ses pas.

Toute la journée, Adrien parcourut la ville, mais ses recherches et ses questions furent également infructueuses ; tous ceux qu’il rencontrait et interrogeait semblaient le regarder comme un fou, et il ne pouvait tirer d’eux aucune lumière. Des troupes bruyantes d’hommes ivres ou s’abandonnant aux désordres de l’orgie, des processions de moines, ou çà et là des individus dispersés glissant rapidement à l’écart et fuyant toute conversation, étaient les seuls passants de ces rues désolées, jusqu’à ce que le soleil descendit, jaune et lugubre, derrière les collines, et que l’obscurité vint étendre son voile sur le théâtre silencieux de l’épidémie.