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RIENZI.

C’était pour le cœur d’un amant comme les reliques d’un dernier adieu de sa fiancée. Il gémit profondément, et sentant que toutes ses forces lui étaient nécessaires, il remplit un verre du vin de Chypre qui restait dans un flacon à moitié vide, et le porta à ses lèvres… il se sentit renaître. Maintenant, dit-il, retournons à notre tâche ! Je vais sortir… Tout à coup il entend des pas pesants retentir dans les chambres qu’il avait quittées… on approche, on entre ; et Adrien voit deux figures gigantesques et sinistres, marcher à grands pas dans la salle. Elles étaient enveloppées de simples draperies noires ; elles avaient les bras nus, et portaient de grands masques informes qui leur descendaient jusqu’à la poitrine, laissant seulement passage aux organes de la vue et de la respiration par trois petites ouvertures circulaires. Le Colonna tira à demi son épée, car l’apparence et la tournure de ces visiteurs n’étaient pas faites pour inspirer confiance.

« Oh ! oh ! dit l’un d’eux. Le palais a un nouvel hôte aujourd’hui. N’ayez pas peur de nous, étranger ; il y a de la place, oui, et assez de richesse pour tous les hommes qui restent maintenant à Florence ! Per Bacco ! On a encore laissé un gobelet d’argent. Comment cela se fait-il ? Et sur ces mots, notre homme saisit la coupe qu’Adrien venait de vider et la fourra dans son manteau. Il se tourna ensuite vers le chevalier, qui avait toujours la main sur la garde de son épée, et lui dit avec un rire étouffé sous son masque : Oh ! nous ne coupons la gorge à personne, signor ; le grand Invisible nous épargne cette peine-là. Nous sommes d’honnêtes gens, des officiers de l’État, et nous venons seulement voir s’il faudra que la charrette s’arrête ici cette nuit.

— Alors, vous êtes…

— Des Becchini.

Le sang d’Adrien se glaça. Le Becchino poursuivit : Et