Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 2, 1865.djvu/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.
5
RIENZI.

— J’en réfère à mon ami Luca di Savelli, répond Rienzi. C’est un grand philosophe qui pourrait bien, j’en suis sûr, trouver le nœud d’une énigme beaucoup plus difficile encore, que nous allons soumettre présentement à sa pénétration. »

Les barons, que le langage hardi du vieux Colonna avait jetés dans un grand embarras, tournèrent leurs yeux tous à la fois sur Savelli, qui répondit avec plus de sang-froid qu’on ne s’y attendait :

« La question admet une double réponse. Celui qui gouverne par droit de naissance et qui entretient une armée étrangère, fondant son empire sur la crainte, sera plutôt parcimonieux. Celui qui gouverne de fait, qui courtise le peuple, qui voudrait régner par l’amour, est obligé de gagner l’affection du populaire par la générosité et d’éblouir son imagination par la magnificence[1]. Tel est, je crois, le principe reconnu en Italie, et l’Italie a assez d’expérience pour être une bonne école des maximes d’États.

Les barons applaudirent à l’unanimité la réponse discrète de Savelli, sauf le vieux Colonna.

« Cependant, mille pardons, tribun, dit Étienne, si, malgré la décision courtisanesque de notre ami, je soutiens, avec tout le respect que je vous dois, que même la bure grossière d’un moine, cette parade d’humilité, te siérait mieux que cette pompe fastueuse, la parade de l’orgueil. » Et à ces mots il toucha la manche large et flottante, toute frangée d’or, de la robe de pourpre du tribun.

« Taisez-vous, père ! dit Gianni le fils de Colonna, rougissant de la rudesse agressive et de la dangereuse candeur du vieux guerrier.

— Non, peu importe, » dit le tribun avec une indiffé-

  1. Textuel et passé en proverbe.