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RIENZI.

— Quatre jours ! et tu ne peux me donner aucun autre renseignement.

— Aucun ; pourtant écoute, jeune homme ! Et la religieuse en s’approchant baissa la voix jusqu’à lui glisser à l’oreille : Demande aux Becchini.[1] »

Adrien bondit en arrière, se signa précipitamment et quitta le couvent sans mot dire. Il revint trouver son cheval, et s’en retourna vers le centre silencieux de la ville. Il n’y avait plus ni taverne ni hôtel ; mais les palais des princes défunts étaient ouverts à l’étranger encore vivant. Il entra dans l’un d’eux, édifice spacieux et splendide. Dans les écuries il trouva encore du fourrage à la mangeoire ; mais les chevaux, dont la possession était alors, dans les villes italiennes, un signe de noblesse aussi bien que de richesse, avaient disparu avec les mains qui les nourrissaient. Le chevalier de grande maison réduit aux fonctions de palefrenier, souleva le harnais pesant, attacha son cheval au râtelier, et pendant que l’animal fatigué, ne comprenant point les horreurs qui l’entouraient, dévorait avidement sa nourriture, son jeune maître se détourna en murmurant : « Mon fidèle serviteur, mon seul et unique compagnon, puisse la peste, qui n’épargne ni homme ni bête, t’épargner cependant, pour m’emporter d’ici, le cœur plus léger ! »

Une salle spacieuse, ornée d’armes et de bannières, un large escalier de marbre, dont les murailles étaient peintes des dessins un peu roides et des couleurs éclatantes de l’époque, conduisaient à de vastes chambres tendues de velours et de drap d’or, mais silencieuses

  1. Selon la coutume de Florence, les morts étaient portés à leur lieu de repos sur des civières que soutenaient sur leurs épaules des citoyens de même condition ; mais la peste avait fait naître un nouveau métier, et des gens de la lie la plus infime du peuple, payés à un prix énorme, se chargeaient de transporter les restes des victimes. Ces hommes étaient appelés Becchini.