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RIENZI.

comme par la vue touchante de cet ange des morts, solitaire et dévoué, s’agenouilla et pria de toute son âme.

Comme il se levait, soulagé du fardeau qui lui pesait sur le cœur, la nonne se leva aussi et frémit en l’apercevant.

« Malheureux ! dit-elle d’une voix qui, basse, faible et solennelle, résonnait comme la voix d’un fantôme ; quelle fatalité t’amène ici ? Ne vois-tu pas que tu es en présence de ces corps d’argile que la peste a frappés… que tu respires un air destructeur ? Va-t’en ! Va chercher au travers de toute cette désolation une place où le sombre visiteur ne soit point venu avant toi.

— Sainte fille, répondit Adrien, le péril que vous bravez ne m’effraye point : je cherche quelqu’un dont la vie m’est plus chère que la mienne.

— Tu n’as pas besoin d’en dire plus long pour m’apprendre que tu es récemment arrivé à Florence ! Ici le fils abandonne son père, et la mère délaisse son enfant. C’est quand la vie offre le moins d’espoir, que ces vermisseaux d’un jour s’y cramponnent comme si c’était le salut éternel ! Il n’y a que moi pour qui la mort n’ait plus d’horreur. Depuis longtemps séparée du monde, j’ai vu mes sœurs périr, la maison de Dieu profanée, son autel renversé, et je ne me soucie point de survivre, seule victime épargnée par la peste. »

La religieuse s’arrêta quelques minutes ; puis, jetant un regard attentif sur l’air de santé et de vigueur d’Adrien, elle poussa un profond soupir : « Étranger, pourquoi ne prends-tu pas la fuite ? dit-elle. Autant fouiller les catacombes et la pourriture des sépulcres que de chercher dans cette ville âme qui vive.

— Sœur et fiancée du Rédempteur béni ! répliqua le Romain les mains jointes, un mot, je t’en supplie. Tu es, il me semble, de l’ordre qui occupait ce couvent dépouillé ;