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RIENZI.

et des vicissitudes de l’ambition où m’entraîne mon récit. C’est là, dans cette retraite écartée qu’Adrien avait passé l’hiver, dont le retour apporte un changement si doux à ce climat enivrant. Le tumulte du monde extérieur n’arrivait à son oreille qu’en murmures faibles et confus. Il n’apprit que par des bruits confus et souvent contradictoires les nouvelles qui avaient éclaté comme un coup de foudre sur l’Italie ; que l’homme étrange dont l’ambition portait en elle une révolution, dont les débuts avaient excité l’intérêt de toute l’Europe, les plus brillantes espérances des enthousiastes, les adulations les plus outrées des grands, les plus profondes terreurs des despotes, les plus audacieuses aspirations de tous les esprits libres, que cet homme avait été soudain renversé de son piédestal, son nom flétri et sa tête proscrite. Cet événement, arrivé à la fin de décembre, ne parvint aux oreilles d’Adrien, par un pèlerin errant, qu’au commencement de mars, un peu plus de deux mois après la chute de Rienzi ; dans ce même mois de mars si terrible (1348), qui vit l’Europe et surtout l’Italie, désolée par la plus affreuse peste consignée dans les fastes de l’histoire, peste maudite à la fois et pour le nombre et pour la célébrité de ses victimes, quoiqu’elle se rattache par un étrange contraste à des images riantes, grâce à l’esprit de Boccace et à l’éloquence de Pétrarque.

Le pèlerin qui informa Adrien de la révolution de Rome ne put rien lui apprendre qui lui laissât deviner le sort présent de Rienzi ou de sa famille. On savait seulement que le tribun et sa femme s’étaient échappés ; de quel côté, on l’ignorait ; ils étaient déjà morts sans doute sous les coups des nombreux brigands qui, aussitôt après la chute du tribun, reprirent leurs anciennes habitudes, n’épargnant ni âge, ni sexe, ni riche ni pauvre. Comme tout ce qui était relatif à la chute du tribun excitait le plus vif intérêt, le pèlerin avait