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RIENZI.

offrir le repos à l’homme fatigué du monde et pour entretenir les souvenirs du passé, à l’abri de la végétation luxuriante qu’elle offrait comme un port tranquille aux passions longtemps ballottées par le naufrage. Un esprit, à la fois délicat et indépendant, capable de supporter la solitude, n’aurait pas trouvé dans le monde entier une retraite plus belle et plus paisible.

Mais ce n’était pas à une telle solitude que les premiers rêves d’Adrien avaient consacré ces lieux. C’est là qu’il avait espéré voir présider l’astre brillant de ses rêves. C’est là que l’amour devait venir embellir son asile ; c’est là qu’après avoir joui longtemps de lui-même, cet amour devait inviter un jour, par l’attrait d’une opulence sans faste, les esprits distingués qui avaient commencé à éclore du sein de l’Italie bouleversée, pour y fonder encore une ère rajeunie de poésie, de science et de beaux-arts. La nature gracieuse et romanesque, mais un peu rêveuse et inerte du jeune noble, mieux faite pour des temps calmes et civilisés que pour ce siècle orageux et barbare, ne rêvait pas d’ambition plus douce, plus agréable que les loisirs consacrés aux belles-lettres et aux délassements intellectuels. C’est là, qu’inspiré dès sa jeunesse par l’influence de Pétrarque, il s’était flatté de trouver dans l’âge mûr une Vaucluse plus heureuse, avec une Laure de son choix. Ces visions, où les charmes de sa campagne s’associaient alors à l’image d’Irène, étaient évanouies : son palais n’était plus pour lui qu’un désert, mais animé encore par l’ombre de son amie ; et le temps, aussi bien que l’absence, n’avait fait qu’ajouter à ses méditations passionnées, assombrir sa mélancolie et redoubler son amour.

Gracieuse et douce retraite ! même en la décrivant de mémoire, car mes yeux ont vu, mes pieds ont foulé ces lieux, mon cœur s’émeut encore en pensant (et peut-être mon lecteur bienveillant en fera-t-il autant,) à ce lieu de refuge délicieux et bien-aimé, loin des orages de la vie active