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RIENZI.

attaque des bandits des montagnes ou des tyranneaux du voisinage ; en même temps, bâtie par quelque seigneur précédent avec les matériaux des villas à demi ruinées des anciens Romains, ses colonnes de marbre et ses pavés en mosaïques relevaient avec une grâce particulière les murs en pierres grise et les tours massives de la maçonnerie féodale. Se dressant ainsi sur une verte éminence qui s’abaissait en pente douce vers le lac, l’imposant édifice jetait sur ces ondes magnifiques une ombre longue et ténébreuse ; à ses côtés, du haut des montagnes vertes et boisées qui faisaient le fond du paysage, jaillissait une chute d’eau, qui suivait un cours irrégulier et sinueux, tantôt cachée par le feuillage, tantôt scintillant à la lumière, et finissait par s’amasser dans un large bassin. Ici une petite fontaine, ornée d’une inscription à demi effacée, attestait l’élégance passée des temps classiques, souvenir de quelque seigneur, de quelque poëte dont nous avons perdu même les noms ; puis, descendant à travers les mousses, les lichens, les herbes aromatiques, un torrent rapide, portait au lac, de cascade en cascade, le tribut de ses eaux. Là, au milieu des végétaux plus vigoureux et plus hardis du Nord, croissaient, sauvages et pittoresques, grand nombre d’arbres transplantés, au temps jadis, des contrées les plus méridionales de l’Orient ; ils n’étaient ni flétris ni rabougris sous ce climat céleste, qui nourrit, qui couve pour ainsi dire toutes les productions de la nature avec une sollicitude maternelle. L’endroit était retiré et solitaire. Les routes qui y conduisaient des villes éloignées étaient embarrassées, sinueuses, montagneuses, et infestées de brigands. Quelques chaumières et un petit couvent, situés au-dessus à un quart de lieue de ce site verdoyant, étaient les habitations les plus voisines ; et la solitude de cette maison n’était guère troublée que par les rares visites de quelque pèlerin ou de quelque voyageur égaré. C’était un lieu fait pour