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RIENZI.

— Non, gracieuse Éminence, non, dit Luca, mais c’est égal, il est toujours bon de leur inspirer une bienfaisante terreur ; ils sont tous sans armes ; attendez je vais donner l’ordre aux gardes de les disperser. Je n’ai qu’un mot à dire. »

Le cardinal y consentit ; le mot fut dit ; et en une minute la soldatesque, encore émue par le souvenir vindicatif de la défaite qu’avait infligée à sa valeur une multitude indisciplinée, dispersa la foule en la culbutant dans les rues sans scrupule ni pitié, foulant les uns aux pieds des chevaux, perçant les autres à coup de pique, remplissant les airs de cris et de hurlements, et couvrant le sol de presque autant d’hommes qu’il en aurait suffi, quelques jours auparavant, pour garder Rome et maintenir la constitution ! Ce fut au travers de cette scène de désolation et de tumulte et sur les corps des victimes, que le légat et sa suite poussèrent leurs chevaux, pour se rendre à la salle du Capitole et y recevoir le serment de fidélité des citoyens en même temps que pour proclamer le retour des oppresseurs.

Pendant qu’on mettait pied à terre au bas du grand escalier, un placard, écrit en grosses lettres, frappa les yeux du légat. Il était placé sur le piédestal du lion de basalte, à la place même occupée précédemment par la bulle d’excommunication.

Il n’y avait que ces mots :

TREMBLEZ ! RIENZI REVIENDRA !

« Comment ? Que signifie cette mauvaise plaisanterie ? criait le légat, déjà tremblant et regardant les nobles autour de lui.

— Si Votre Éminence me permet cette observation, dit un des conseillers qui du Capitole étaient venus au-devant du légat, nous l’avons vu là dès le point du jour : l’encre était encore toute fraîche, comme nous entrions dans la