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RIENZI.

Si ma vieille mère n’avait pas déjà perdu deux d’entre nous, Dieu me damne si je ne frapperais pas volontiers quelques bons coups pour notre brave tribun.

— En ce cas vous ferez bien de vous mettre un peu plus de vif-argent dans les veines, continua Baroncelli, ou vous vous trouverez en retard. Et ce serait grand dommage. Si vous en croyez le tribun, il est le seul homme qui puisse sauver Rome. Comment, vous, le plus beau peuple du monde, vous ne pouvez pas vous sauver vous-mêmes ? Vous dépendez d’un seul homme ! Vous êtes incapables de faire la loi aux Colonna et aux Orsini ! Mais qui donc a battu les barons à San Lorenzo ? N’était-ce pas vous ? Ah ! vous avez gagné les coups et le tribun la moneta ! Fi ! mes amis, laissez-le partir ; je vous garantis qu’il y en a bon nombre qui le valent bien et qu’on aura à meilleur marché. Et tenez ! Voilà la troisième fanfare ; il est trop tard maintenant ! »

Pendant que la trompette envoyait dans le lointain son appel long et mélancolique, c’était comme le dernier avertissement donné par le génie de Rome, avant de prendre son vol. Et quand le silence eut absorbé le son, un morne découragement envahit l’assemblée. On commença à regretter, à se repentir, à présent que le repentir et les regrets ne servaient plus à rien. Les bouffonneries de Baroncelli ne les firent plus rire et l’orateur eut la mortification de voir ses auditeurs se disperser dans toutes les directions, juste au moment où il allait leur apprendre les grandes choses qu’il pouvait lui-même faire en leur faveur.

Pendant ce temps, le tribun, traversant sain et sauf le dangereux quartier occupé par l’ennemi, qui, effrayé à son approche, se cacha dans sa forteresse, se rendit au château de San Angelo, où Nina l’avait déjà précédé, prête à l’accueillir par un sourire d’amour en le voyant sauvé, mais sans verser une larme sur ses revers.