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RIENZI.

êtes-vous à ce point déchus de votre droit de naissance ? N’avez-vous point d’armes même pour votre défense personnelle ? Romains, écoutez-moi ! Avez-vous à vous plaindre de moi ? S’il en est ainsi, que je meure au moins par vos mains ; puis après, avec votre fer encore dégouttant de mon sang, marchez contre le bandit qui n’est que le héraut de votre esclavage, et je meurs alors honoré, reconnaissant et vengé. Vous pleurez, grand Dieu ! vous pleurez ! Ah ! je devrais pleurer aussi, moi qui ai pu vivre assez pour parler en vain de liberté à des Romains. Pleurer ! Est-ce le moment de verser des larmes ? Pleurez à présent, et vos larmes feront germer des moissons de crimes, de licence et de despotisme à venir ! Romains, aux armes ! Suivez-moi sur le champ à la place des Colonna ; expulsez ce brigand, expulsez votre ennemi ; vous ferez de moi ce que vous voudrez après… Ici il s’arrêta en voyant que ses paroles n’allumaient aucune ardeur : ou, continua-t-il, je vous abandonne à votre destinée. »

Alors commença un murmure long, grave, général, qui finit par prendre une voix, un grand nombre de voix ; elles criaient toutes ensemble :

« La bulle du pape ! Tu es un homme maudit !

— Comment ! s’écria le tribun, et c’est vous qui m’abandonnez, quand c’est à cause de vous seuls que l’homme ose lancer contre moi les foudres de son Dieu ? N’est-ce point à cause de vous que je suis déclaré hérétique et rebelle ? Quels sont les crimes qu’on m’impute ? C’est d’avoir reconquis la liberté de Rome et revendiqué celle de l’Italie ; c’est d’avoir subjugué les nobles orgueilleux qui étaient les fléaux et du pape et du peuple. Et vous, vous me reprochez ce que j’ai osé dire et faire pour vous ! Quoi ! et c’est à votre tête que j’étais fier de combattre, c’est pour vous que j’aurais voulu périr. Vous vous abandonnez vous-mêmes en m’abandonnant, et