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RIENZI.

invariable dès le moment de sa naissance ! Pourtant, si ce n’était un rêve sans fondement, je voudrais bien reconnaître, parmi ces astres imposants, l’étoile de ma naissance, celle qui est l’image, le miroir de ma carrière terrestre et du souvenir que je laisserai après ma mort. » Comme cette pensée traversait son esprit, son regard, toujours fixé sur le firmament, rencontra, comme si elle fût devenue tout à coup plus distincte que les étoiles environnantes, cette rapide et ardente comète qui, dans l’hiver de 1347, terrifia les gens superstitieux, portés à reconnaître dans cet hôte étrange du ciel un présage de désastres et de douleurs. Il recula quand cette comète frappa ses yeux, et se dit tout bas : « Ne serait-ce pas là mon image ? Ou si la science des légendes dit vrai, si ces feux étranges annoncent des nations ruinées et des gouvernements renversés, n’est-ce pas celle-là qui vient me prédire mon sort ? Je ne veux plus y penser[1]. » Mais, en baissant les yeux, son regard s’arrêta sur le colossal lion de basalte, dont la lumière des étoiles revêtait les formes grises et imposantes d’une blancheur de spectre ; ce fut alors qu’il aperçut deux figures d’hommes en robes noires arrêtés au piédestal qui supportait la statue, et paraissant occupés à quelque besogne dont il ne put deviner la nature. Un frisson de crainte parcourut ses veines, car il n’avait jamais pu se défaire de cette vague idée qu’il y avait un rapport solennel et déterminé entre sa destinée et ce vieux lion de basalte. Un peu remis de cette crainte, il entendit sa sentinelle adresser le qui-vive à ces intrus ; et lorsqu’ils vinrent s’exposer à la lumière, il s’aperçut qu’ils portaient l’habit de moine.

« Ne nous dérangez pas, mon fils, dit l’un d’eux à la

  1. Hélas ! si les Romains associaient cette comète à l’idée de la chute de Rienzi, le reste de l’Europe la rattachait à une calamité plus affreuse, à la grande peste qui survint peu de temps après. (Note de l’auteur.)