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RIENZI.

ver ? L’excommunication ! Et dans la métropole de l’Église encore !… La superstition du peuple ! Oh ! Rienzi !

— Si ma conscience, murmura-t-il, me condamnait pour un seul crime, si j’avais souillé mes mains du sang d’un honnête homme, si j’avais enfreint une loi imposée par moi-même, si je m’étais laissé corrompre, si j’avais fait tort au pauvre, ou dédaigné l’orphelin, ou fermé mon cœur à la veuve, alors… alors… Mais non !… Seigneur, tu ne voudras point m’abandonner !

— Oui, mais les hommes peuvent le faire, » pensa tristement Nina, en voyant Rienzi envahi par un de ses sombres accès de rêverie, dont il ne permettait à aucun œil vivant, même à celui de Nina, de rester le témoin, quand ils arrivaient à leur crise. Aussi, après un court monologue à voix basse, pendant lequel sa face était si défigurée, que les veines de ses tempes s’enflaient comme des cordes, il quitta brusquement la chambre et gagna l’oratoire particulier, dépendant de son cabinet.

Tirons un voile sur les émotions qui l’absorbaient alors. Qui décrira ces moments redoutables et mystérieux, où l’homme, avec toutes ses passions ardentes, ses turbulentes pensées, ses espérances désordonnées, et ses craintes désespérées, demande une audience solitaire à son Créateur ?

Longtemps après cette conférence avec Nina, longtemps après que la cloche de minuit avait sonné, Rienzi se tenait seul sur un des balcons du palais, pour rafraîchir sous un ciel parsemé d’étoiles, la fièvre qui s’acharnait encore après son corps épuisé. La nuit était pure et calme, l’air clair, mais froid, car on était en décembre. Rienzi contemplait attentivement ces orbes célestes auxquels notre crédulité déréglée a rattaché la prévision de notre destin.

« Vaine science, pensa le tribun, ténébreuse chimère ! La destinée de l’homme ordonnée d’avance, irrévocable,